Une fois par mois, je participe à un atelier d’écriture. Cela m’oblige à écrire sinon je n’en trouve jamais le temps.

L’animatrice nous a proposé un texte d’Albert Camus, un extrait de « L’étranger » :

« C’était le même éclatement rouge. Sur le sable, la mer haletait de toute la respiration rapide et étouffée de ses petites vagues. Je marchais lentement vers les rochers et je sentais mon front se gonfler sous le soleil. Toute cette chaleur s’appuyait sur moi et s’opposait à mon avance. Et chaque fois que je sentais son grand souffle chaud sur mon visage, je serrais les dents, je fermais les poings dans les poches de mon pantalon, je me tendais tout entier pour triompher du soleil et de cette ivresse opaque qu’il me déversait. A chaque épée de lumière jaillie du sable, d’un coquillage blanchi ou d’un débris de verre, mes mâchoires se crispaient. J’ai marché longtemps. » 

La consigne était de relever tous les noms du texte et, à partir de la liste dans l’ordre, écrire son propre texte.

L’éclatement de nos joies conjuguées glissait sur la plage comme un tambour battant de sable, et la mer, radieuse, recouvrait d’écume blanche les longues algues ondoyantes en bordure du rivage, dans une respiration aqueuse et mouvante. Il faisait bon se revoir. Les petites vagues léchaient quelques rares rochers, dans un clapotis joyeux. Tu étais enfin là, front rayonnant, soleil de ma vie, avec cette chaleur enveloppante si particulière, mystérieuse, quasiment magique. La couleur des blés mûrs était toute entière dans ton sourire, et lorsque tu m’as serrée dans tes bras, j’ai fermé les yeux, pour mieux goûter l’instant. Tu as chuchoté à mon oreille que l’été serait en avance cette année. J’ai senti ton souffle glisser sur mon visage, puis tes dents mordiller mes lèvres. J’ai glissé mes poings serrés dans les poches de ton pantalon, pour que nos deux corps soient soudés. C’est à cet instant précis qu’un rayon de soleil s’est détaché de l’azur, attiré par l’ivresse de nos retrouvailles, descendant se planter telle une épée de lumière dans une butte de sable blond, à deux pas de nous. Autour de lui, les coquillages rutilaient de mille éclats folâtres, on aurait dit des débris de verre éparpillés, embrasés par le faisceau flamboyant, capturés par une mâchoire d’écume marine. Il me semblait que le ciel portait la couleur du bonheur. Même le cri des goélands m’appelait à ne rien perdre de cette fugace seconde d’éternité.
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L’éclatement de nos deux rires conjugués résonnait en étoile sur le sable blond. La mer, d’une houle caressante, venait lécher la grève au rythme de sa respiration aqueuse, et les vagues postillonnaient leurs embruns chargés d’écume sur les rares rochers affleurant. J’ai vu ton front se plisser et le soleil soudain est parti se cacher derrière un nuage, emportant avec lui la douce chaleur rayonnante venue attendrir l’hiver. Dans un souffle, tu as chuchoté le manque, l’absence, et ton visage était triste. Jusqu’à ton sourire qui montrait les dents augurait d’un danger prévisible. J’ai serré les poings pour résister au chagrin, je connaissais l’erreur de la dépendance, ne trouvais plus les mots pour nous mettre en garde contre le piège de l’emprise. Au fond d’une poche de mon pantalon, j’ai senti le petit caillou soleil, symbole de notre rencontre, le petit caillou soleil qui nous reliait. Je l’ai sorti de la poche pour te le montrer mais ton cœur ne retrouvait plus le chemin. La souffrance du manque avait tué l’ivresse. Alors j’ai senti l’épée de la fatalité transpercer nos cœurs déchirés, éteindre la lumière de ce bel amour auquel nous avions tant cru. Autour de nous le sable n’était plus si blond, et les coquillages luisants semblaient n’être plus que débris de verre épars, détritus abandonnés. La mâchoire de la malédiction venait de se refermer sur nous.