Initialement imprimée sur les presses de Vesoul-en-Vélin par FRANÇOIS PIERRE DE LA VARENNE, souvent confondue avec le velouté Colombine du même nom, voici la fameuse et originale recette du bouillon de rhubarbe.
Cueillir un gros bouquet de paresse, le plonger cinq minutes dans un sommeil d’Alexandre le bienheureux, de préférence à température de larme de Xénophon.
Puis, réduire en purée d’ici, à là, pour rapporter que la conquête du bouillon n’est pas juste assez épaisse, ou presque achevée, non !
La recette vient juste de commencer.
Vierzon, ville reine et créatrice, conseille de ne pas se précipiter sur l’idée que tout cela ne prendra que quelques minutes.
Le grand Tamerlan, auteur de la fameuse recette, au taxiphone un jour parait-il déclara à Attila en personne qu’il ne suffit pas d’avoir la vie devant soi pour la réussir.
Car, une fois réduite en purée, la paresse s’additionne d’une compotée généreuse à la rhubarbe dont voici le secret.
Nous aurons réservé une belle feuille avec tige qui sera passée sous l’eau du rêve de la fontaine.
Ensuite, découpée en petits cubes de songeries diverses, feuille et tige iront rejoindre la purée afin de composer la mosaïque du consommé réduit non pas le temps de le dire, mais bien le temps de le faire.
Vous suivez jusqu’ici ?
Bein, pas moi.
Des fois, je dois remonter les bretelles du textes pour m’y retrouver.
Bon, je continue quand même.
La curiosité pourra éventuellement venir pimenter l’ensemble avec un « y a quoi » ponctué d’une interrogation digne du monde.
Les théologiens y entendront « tu crois ? » et pourront, s’ils ont l’inspiration, développer cette particule en phénomène onirique épicé, la rhubarbe s’en aromatisera avec délice.
Rapporter une recette de telle envergure est, vous l’aurez compris, une mission trois fois plus complexe que son homologue bulleur de surface.
Prétendre l’achever n’a rien d’une science culinaire dans une soupière de lenteur.
Attendez, la suite arrive…
C’est pas fini.
Rien à voir avec la recette sinon les consignes de départ.
Le petit, tout petit poisson qu’il est pas rouge mais moinillon
En avril ne te découvre pas d’un fil !
– Moi j’m’en fous, je suis un tout petit poisson, si petit, si petit, que je me demande même si le microscope de Madame Des Curies saurait voir la moindre de mes petites, si petites écailles de mon dos si minuscule.
Alors des fils, à part ceux du laboureur de l’histoire que maman me racontait lorsque je n’arrivais pas à traverser la barrière de corail du sommeil, je n’en connais pas d’autres.
Ah, je parle de deux fils différents, c’est ça, hein ?
En nattendant, ma maman, elle dit que c’est couru d’avance, cette histoire d’expression de fil d’Avril… Alors tu penses bien que pour les jeux des z’eaux lympides, c’est du tout pas cuit, pas cuit, pas cuit-cuit qu’elle me dit comme ça quand je lui demande si les ziboulées de mars sont finies, dérivées de fine et de nie.
La vigne tropicale n’a pas le même problème d’élocution que moi, c’est mon papa qui le dit. Entre la rhubarbe du Népal et l’oignon rocambole, elle a plutôt des facilités.
Cé kil a voyagé, mon papa.
En cachette, je l’appelle mon papounet, il n’en sait rien, hi hi, il déteste les diminutifs.
Le plus rigolo, c’est que son diminutif qui ne diminue rien est plus long que son vrai nom, il s’appelle Pané.
Papa Pané c’est tout d’même moins joli que papounet, hein ?
Ma maman, elle, c’est Rime Pochée. Mais je l’appelle ma frite, elle adore ça. Elle se réinvente, ma maman. Elle me dit que ça lui rappelle le bassin Bonaparte à Anvers, par où qu’elle est passée un jour, et d’où qu’elle a connu papou, né Belge d’origine échappé du bocal.
C’est la mère Curie qui l’avait adopté. Elle se baladait partout avec lui dans son joli récipient en vers de bohémiens. Elle en connaissait un rayon, qu’elle lui racontait au coin du Red star Line Museum, comme ça, en passant.
Elle a eu un passage un jour, un drôle d’instant, où elle a culbuté sur le quai du Cher, à Vierzon.
Faut dire qu’à cette époque là, il était tellement en travaux que pour traverser ce passage, elle ne pouvait guère que faire une culbute.
Je vous passe la suite. Le bocal dont elle ne se séparait jamais versa dans le bassin et mon père tomba tout droit sur ma mère qui faisait visiter les lieux à un banc de turbots. Ça n’a pas fait une plie. Ni un merlan. Ni un loup.
Ça m’a fait, tout court, tout petit, et avec une toute petite cervelle de moineau, qu’ils ont dit quand ils m’ont vu, les homards.
On jouait à cache-cache tous ensemble. Un jour, une coquille Saint Jacques m’a fermé le clapet en me disant qu’elle pourrait bien faire de moi son déjeuner de onzeure.
Elle avait parié que si d’ici à là, y a quoi, tu crois ?
Moi, j’osais pas lui dire que j’comprenais rien à ce qu’elle pariait.
Alors pour pas paraître encore plus moinillon que le couillon de cervelle de moineau qu’on m’avait dit que j’étais, je lui ai répondu que, juste assez, ou presque… c’était un miracle ou un mystère, ou un taxiphone, peut-être ; ou trois porcelaines de Vierzon, que sais-je encore. Quand je suis débordé par la perle culturelle de la coquille, ou de n’importe quelle autre intelligence supérieure, je répond ce qui vient, et voilà.
Du coup, de la surprise, elle a joué la carte de la paresse. Elle m’a pas bouffé.
Remarque, elle aurait pas eu grand-chose dans le bide.
Les anges disent que je suis nain.
Pas le nain de Stanislas, oh non !
Les anges, ce sont eux qui m’ont repêché, après bien des tribulations.
Attends cinq minutes, j’appelle Cyclopédie, elle va vous raconter tout ça mieux que moi.
Cyclo, ohé, Cyclo, ben t’es où ?
Ah, je la vois. Elle arrive.
Tagada, Tagada, tagada tsoin tsoin…
Cyclopédie en armure montée sur un splendide cheval blanc et fougueux arrive au grand galop.
Cyclopédie arrête sa monture, en descend très lourdement, son armure cliquetant de toute part.
Elle dépose son épée au sol, dans l’herbe douce.
– On me demande ?
– …
– Ya kelkun ?
– …
Cyclopédie enlève son heaume, secoue ses longs, très longs cheveux.
– Aaaaaaahhhhhh, je respire !
– Les armures ne me valent rien. Elles sont bien trop lourdes à porter.
Une à une elle démonte haubert, cuirasse, gorgerin, s’en déleste.
Attache la bride de son cheval à une branche.
S’allonge dans l’herbe.
– J’ai du rêver qu’on m’appelle. Bah, qu’à cela ne tienne, si c’est Nono, il arrivera bien à me trouver.
– Rrrrhan, pfffffff, rrrrrhan, pffffff…
Pour la beauté du logo. ^^😀😀😀