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Archive for the ‘Mystère’ Category

Eglefinaud, roi en son monde et doté d’un sang-froid hors du commun des mortels, vivait en paix en tournant dans son bocal jusqu’au jour où, Dieu témoin du fait qu’il commençait à devenir un peu gros pour son récipient, décida de lui offrir plus grand.
Dans son univers, Eglefinaud, que nous appellerons Nono plus simplement, tournait et retournait inlassablement, témoin ravi d’un monde au-delà du sien, sans jamais se sentir à l’étroit dans le sien.
Parfois, une sorte de paresse le prenait aux heures de digestion, il trouvait cela inadéquat.
Alors, dans sa conscience aiguë d’être un poisson heureux, il prit cette décision :
– Je vais me lancer dans la recherche et trouver la résolution de ces défis que me proposent la vie.
Ainsi, équipé de ses bonnes résolutions, il nagea jusqu’au taxiphone le plus proche d’une nageoire résolument tournée vers leur mise en pratique.
– Allo, professeur Espadon ?
– Allo, Nono, tu es au taxiphone ?
– Oui, Pompon !
– Oh, arrête, petit être, avec ce sobriquet ridicule !
– M’enfin !
– Nono, tu pousses…
– Oui, je sais…
– Vas-y, accouche !
– Pfffff… Pas mieux !
Soupir d’Espadon, sourire d’Eglefinaud.
– Pompon, je voudrais résoudre ma paresse post-digestion.
– Ok Nono. Primo, viens me rejoindre à Vierzon.
– Secundo ?
– Il n’y en a pas.
C’est là que Dieu trouva opportun d’intervenir.
Se saisissant de la plus grosse feuille de rhubarbe du jardin de l’Eden, il la remplit d’eau à ras bord et tira sur la bordure du bocal pour le renverser.
Nono aquarit gracieusement de toutes ses écailles aux éclats en plein centre de la feuille.
Dieu s’envola avec Nono et feuille pour rejoindre Vierzon et son canal du Berry.
Afin d’aller retrouver le professeur Pompon.
Vous l’aurez bien compris, lecteurs, tout ceci n’est que la traduction d’une toute autre réalité. Toute évidence se couvre toujours du voile du langage.
Mais d’ici à là, y a Attila, qui ne versa pas une seule larme.
C’est Dodo qui nous en informe par le truchement de l’agenda d’avril.
Attila avait juste assez de tout ce qu’il est nécessaire d’avoir pour entreprendre la conquête de son monde intérieur.
Et résoudre ainsi l’équation du langage.
Porteurs de l’écriture, anoblis du verbe écrire, soyez soyeux, jouez joyeux, vous êtes les éclaireurs du tombeau vide.


MERCI


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L’agenda ironique d’avril, c’est chez les carnetsparesseux que le poisson songe à écrire, alors le premier épisode de ma participation ne fait pas de friture sur la ligne que voici.
Vous trouverez l’inaltérable formulation de départ à l’écriture en suivant ce lien :
https://carnetsparesseux.wordpress.com/2024/04/03/un-poisson-pas-que-poisson-agenda-ironique-davril/



Pas de friture sur la ligne

La scène

Dans un salon, un mur entier est constitué d’un aquarium à l’intérieur duquel trois petits poissons évoluent avec grâce.
Un quatrième, minuscule et difficile à repérer tant il se fond dans le paysage, se tient devant une sorte d’autel en pierre.
Peut-être dort-il ?
Aucun mouvement ne semble l’animer.
Il est comme suspendu.
En attente, qui sait ?
Oui, mais en attente de quoi ?
Sur l’autel, un livre.
Un livre qui tourne mécaniquement une page en cadence mesurée.
Tiens ! On dirait que le poisson N°4 ouvre un œil.
Ou peut-être les deux ?
Là où se tiendrait l’observateur le plus attentionné, ne lui serait donnée aucune certitude. N°4 se tient parallèle à la vitre.
Pourtant, une intuition viendrait lui indiquer si le poisson cligne ou pas des yeux.
Un pli sous l’arcade sourcilière de l’animal ?
Une légère dysharmonie de l’ouïe ?
Un mince froncement de la bouche ?
C’est à ce moment là qu’une autre réalité se dessine.
Les lèvres de N°4 commencent à bouger.
– C’est toi ? chuchote le nageur N°4 qui fait du surplace, immobile.
– Blblblblblbl… (Bruit de la pompe à eau)
– Dis, carnet…
– Ffffrouttt… (Bruit de la page qui tourne)
– C’est quoi la paresse ?
– Bling bling bling bling bling… (Bruit de l’écran qui pixelise, les petites briques de l’image dégringolent du mur pour aller reformer une nouvelle image).

Une nouvelle image se reforme

Dans un jardin, un banc avec un chapeau de paille posé sur le banc.
Un peu plus loin, une silhouette penchée sur un sillon.
Il tient une binette dans la main droite.
La rhubarbe, s’adressant à sa voisine, la marguerite.
– Dis-moi, Marg…
– Moi, Rhub !
Rires idiots.
– Elle est usée.
– Oui, mais moi, j’l’aime bien !
– Bon, ok, c’est quoi ta question ?
– Tu crois qu’il va réussir à nous éviter, cette fois ?
– Je ne sais pas, Rhub ! Tiens toi prête à agir !
Le jardinier s’approche.
– Vas-y, Rhub !
La rhubarbe se gonfle des feuilles, puis souffle, puis recommence.
L’air remue, flue, reflue, la marguerite est décoiffée.
Le jardinier se penche, observe le jeu du vent.
Il se redresse, se gratte l’oreille gauche.
– Tiens ? Qu’ont-ils à me dire, ces deux là ?
Marg, tout sourire, s’adressant à Rhub :
– On dirait bien qu’il a compris. Il s’est arrêté.
Le jardinier essuie son front du revers de la main.
Reprend sa binette et continue à désherber son sillon avec un régularité presque métronomique.
Rhub s’adressant à un public hypothétique :
– Mais quand vont-ils donc comprendre qu’il n’est nul besoin de déraciner qui que ce soit pour que la terre reste saine, belle, et surtout habitée du vivant ?
– Ffffffeeeeeh… (Bruit du vent)
L’image semble se décomposer, comme des feuillets minuscules qui s’envoleraient sous le souffle doux d’un rêveur endormi.




L’écran
d’une nuit blanche s’éclaire


Une
ville se dessine. Reconnaissable à son mémorial de
paix.
Vierzon !
Haut-lieu
de vigilance, d’espérance, haut-lieu de vie.
Ville d’eau à
la croisée des cinq rivières que sont l’Yèvre, le Cher, le
Barangeon, l’Arnon, le Verdin.
Et puis le canal de Berry qui
vient les souligner.
– Bing !
Le trait du canal vient
d’atteindre le bouton off.
L’écran s’éteint.

Dring, dring… (un téléphone sonne quelque part)




L’écran se rallume.

Un taxiphone, fixé à l’intérieur d’une cabine rouge, dont le bandeau affichant « téléphone » ne laisse aucun doute sur son utilisation.
Un homme arrive, il est en pyjama, sort de la chambre, entre dans le salon, puis dans la cabine. Il décroche le combiné.
– Allo ?
Une voix chantante au bout de la ligne.
– Bonjour, je suis le poisson d’Avril automatique, il est l’heure, l’heure de se lever, Biiiiip, Biiiip, Biiiip…
L’homme raccroche le combiné sur le socle.
Il sort de la cabine téléphonique, referme la porte, se tourne vers l’aquarium, sourit.
– Tu vois, N°4, dit-il en s’adressant au tout petit poisson qui se tient toujours devant l’autel de pierre.
– La paresse, c’est ça !
Et il retourne dans la chambre, se rallonge, s’étire un peu, puis se rendort.
Au fond de l’aquarium, une nouvelle page se tourne.
Poisson N°4 entrouvre l’œil côté salon.
Une bulle sort de sa cavité buccale.
Puis un son.
– Tu vois, carnet, Xénophon rapporte qu’Alexandre pleura quand il eut achevé la conquête du monde. Tamerlan et Attila, eux, pas une larme.
– Mais toi, carnet, versera-tu une larmes ?

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Dans le droit fil d’une logique pompeuse, les Shadoks et les Gibis ressurgirent d’on ne sait quelle histoire au détour d’un dessin que je vous communique ici-dessous.

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Les premiers arrivés sur la terre plate, je vous le donne en mille, furent les Shadoks.
Les seconds suivirent, soit : Les Gibis.
Les troisièmes faillirent trépasser.
Les Shadoks détestaient les Gibis, qu’ils considéraient comme des êtres inférieurs et usurpateurs de leur suprématie.
Ils prenaient de grands seaux d’eau et arrosaient les Gibis qui tentaient de les approcher, car ils croyaient que ces derniers étaient porteurs d’une affection très particulière qui se transmettait à leur insu et risquait de les tuer.
Shadoks et Gibis s’organisèrent de façon à n’être plus en contact. Ils érigèrent un mur, séparèrent la terre plate, de façon à ce qu’aucune communication ne s’établisse à jamais entre eux.
C’était sans compter sur la troisième catégorie que nous appellerons les zambitêtes. N’ayant ni parti pris, ni territoire dédié, ils se débrouillèrent pour se rendre invisibles et se disperser des deux côtés du mur. Leur plus grande détresse étant de ne pouvoir être en relation, le mur les séparant n’ayant ni porte ni fenêtre, ils durent inventer la transmission de pensée. Ce qui leur permis de se tenir informés de l’évolution de chacun des deux espaces, soit, d’un côté, les Shadoks et eux, et de l’autre côté, les Gibis et eux.
Les zambitêtes retraçaient l’évolution d’une espèce pendant que les zambitêtes retraçaient l’évolution de l’autre espèce.
C’est lors d’une réunion au sommet du mur qu’ils découvrirent un phénomène tout à fait intriguant : Leurs observations étaient comme alternatives.
En d’autres termes, ce qu’ils observaient ressemblait par intermittence à ce qui était observé par les congénères symétriques et inversement.
La découverte, foudroyante, mis en lumière…
LE COURANT ALTERNATIF !!!
De là est né tout un réseau.
EDF-GDF vous remercie de votre attention.

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Prophétie écrite pour l’agenda ironique de novembre qui échût chez les carnetsparesseux sur demande expresse de son auteur.
Un agenda bien fourni, voyez plutôt :
https://carnetsparesseux.wordpress.com/2023/11/01/lhoroscope-de-novembreagenda-ironique/

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Nos anciens connaissaient bien des choses que nous ignorons aujourd’hui, ainsi songeait Arcturus, la géante rouge en soupirant devant l’écran galactique fourmillant de messages.
– Un oracle n’y retrouverait pas ses petits !
– Nous voudrions masquer l’essentiel que nous ne nous y prendrions pas autrement, répondit son associée Izar.
– Faisons appel à la galaxie Tiresias ! Elle saura nous conseiller.
– Nous avons besoin d’un message clair et audible afin de rassembler nos forces.
– L’univers en expansion finirait par se diluer au point de disparaître si nous n’y mettons pas un peu d’ordre, je suis d’accord.
– Allo, la galaxie Tiresias ?
– Oui ?
– Nos réseaux sont surchargés, n’auriez-vous pas un filon de justesse à nous donner ?
– Je consulte le parchemin de la flèche et je vous renseigne.
Quelques minutes plus tard, un grésillement se fit entendre dans le réseau et le parchemin apparut.
Les inscriptions inaltérables brillaient sous la lumière du grand soleil central.
La lecture du chaos n’est pas chose identifiable, mais sa traduction était ainsi écrite.
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La grande orloge cosmisque secoue ses molécules puis se lève.
Elle vient de parcourir le domaine tempspatial dans l’espace infini de l’univers et s’avouait un peu fatiguée du voyage. Aussi, lorsque la voie lactée lui tendit un matelas planétaire moelleux, elle s’y assoupi quelques heures.
Mais là, redressée, elle comprend ce qui vient de l’atteindre. Une bourrasque en provenance de la constellation de la grande ourse vient de lui envoyer son message codé, il est l’heure.
Ne rien dévoiler de l’effluve de tubéreuse contenu dans la missive, ce serait faire d’une petite laine un grand pull, soit d’un pingouin une bergère.
Il était temps d’agir.
Elle levait les yeux vers la galaxie NGC 5010 dans la constellation de la Vierge lorsque le cheval d’Hermès traversa son champ de rotation.
Tiens donc, il faudrait que j’emprunte une souquenille* céleste si je ne veux pas que le grand archer atteigne le centre de l’impérissable légèreté du champ de gravité ineffable, c’est donc la solution offerte du hasard qui a conduit mes aiguilles en direction de la monture divine. Je vais faire pleuvoir les comètes télescopiques et me réfugier sous le parapluie universel, Cannü et Tianma* ne tarderont pas à me rejoindre.
Ainsi, plus forts, nous pourrons nous associer à la petite nébuleuse Oméga pour atteindre le tumulte bleu avant qu’il ne s’étende au reste du cosmos.
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Arcturus interrogea du regard Izar.
– Tu as compris quelque chose, toi ?
– C’est la prophétie du Bouvier, elle est simultanée au big-bang.
– Qu’y a-t-il a comprendre ?
– Bah, comment dire…
– Dis !
– C’est une déboutade de la création.
– Tu voudrait dire que la création a prévu son achèvement en s’auto-créant  ?
– Une forme d’accomplissement, oui.
– Et Vierzon, on en fait quoi ?
– Elle n’a plus qu’à aller voir sa mère pour lui demander ses origines.
– Izar, Allons remercier la galaxie Tirésias pour sa rapidité de réponse.
– Tiriesas ?
– Il vous faut autre chose, les filles ?
– La patronne te remercie de l’aide efficace qui est la tienne.
– Avec plaisir, les filles, faire simple, what else ?
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*La souquenille céleste est une autre forme de la cape d’invisibilité citée par Joanne K Rowling dans sa célèbre série « Harry Potter ».
*J’ai associé le cheval d’Hermès à Tianma, le cheval ailé céleste de Cannü dans la mythologie chinoise.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Tianma

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Suite de l’épisode 1, lettre à l’être, écrit pour l’agenda ironique d’octobre hébergé par Laurence.
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Les étoiles scintillaient tellement fort qu’une pluie de paillettes vint éclairer le chemin.
Il était trois heures moins une lorsqu’ils arrivèrent tous les trois devant la lourde porte du château, au sommet de la montagne.
Madame Onzeure avait refermé ses pétales autour de ses étamines en corymbes.
Qui aurait pu penser un seul instant qu’ils cachaient le paradis aux yeux du monde ? Paradis lui-même contenu dans le grain de sable résidant entre les coussinets d’un chat magicien prénommé Merlin ?
– Mais c’est pas cohérent ce truc !
– Et alors ?
– Bein c’est juste pas cohérent !
– On ne va pas redéfriser une horloge cette fois-ci, hein ?
Silence de consternation,
Non, plutôt silence de…
Je ne trouve pas le mot pour dire que…
En fait, je ne sais pas quoi dire de ce silence.
On passe.
Quand on ne sait pas, on laisse infuser, puis on voit ce qui se produit.
Et on repasse.
Je reprends.
Ça paraissait tellement improbable que la porte ne soit pas fermée à clef que lorsqu’elle céda à la poussée sans un bruit, ils sursautèrent.
Un personnage en armure vint à leur rencontre.
– Soyez les bienvenus, visiteurs. Vous avez l’éternité dans une heure. Je vous souhaite bonne chance.
– Miaou ! Vous êtes l’intelligence automatique ?
– Je suis le chevalier d’accueil, Merlin.
– Bigre ! Il connaît mon nom !
– C’est malpoli de parler de quelqu’un comme d’une tierce personne en sa présence…
– Mais il connaît mon nom ! C’est tout l’effet que ça vous fait ?
– Pffff ! Il est pas possible ce chat !
– Pardonnez-lui cette incartade, ce chat n’a aucune éducation.
Le chat, mutique, dans un silence boudeur.
Cette fois la nature du silence est identifiée.
On continue.
– Est-ce que nous pouvons voir votre visage, Monsieur le chevalier d’accueil ?
– Je suis l’homme au heaume de fer, mon visage est resté dans la chambre, il dort.
– Merci chevalier d’accueil.
Tout de même un tantinet intriguée, Onzeure souleva la cotte de maille.

– Bin fô pas se gêner !
Il n’y avait personne.
Justine fronça les sourcils.
– Allons le réveiller puisqu’il dort. Il doit bien être quelque part dans le château. Nous n’avons aucun indice, ni sur l’heure, ni sur l’éternité, juste une énigme.
– Une énigme juste est un mystère précis.
– Juste ? Alors restons-le ! Allons explorer le château.
En progressant, pièce par pièce, ils arrivèrent dans une sorte de cabinet de travail.
Posée sur un bureau massif en pierre taillée, une enveloppe scellée semblait constituer l’indice décisif de l’expédition.
Dame Onzeure l’ouvrit précautionneusement en utilisant, pour ce faire, la feuille aiguisée de sa base.
Justine sortit la lettre de son enveloppe, puis la déplia délicatement.
Elle en parcourut silencieusement quelques lignes.
Puis elle la lut à haute voix.
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Épisode 1

Le bruit du feutre sur le papier chuchote un hymne à la vie, un chant d’amour inaudible, invisible, fuselé, aussi silencieux qu’une sentinelle immobile qui gravirait les marches du trône d’éther.
L’élan détaché ne sait rien de son chemin. Simple, recueilli dans un ramassement étroit, resserré, il moissonne, fauche les lettres d’un mouvement précis, les lie en fagots, les empile en tas, en fait des montagnes ouvertes au chaos de la création.
Les grains les grimpent.
Mais aussi les aventureurs audaciants, insoucieux, radiants.
On arrive au château par un sentier sinueux qui s’étire mollement, lacet nonchalant à la souplesse étonnante, jusqu’à atteindre le sommet du Mont Exterval.
Quiconque ose l’ascension l’entreprend dans la plus grande ignorance.
Contrairement à l’impression de légèreté que la voie, vue du bas, laisse supposer, son parcours n’a rien de facile.
Mais Merlin s’est échappé.
Et Justine l’a vu marcher dans cette direction.
Merlin, c’est le chat. Justine le soupçonne d’être un peu magicien.
Chaque fois qu’il l’entraîne dans l’une ou l’autre de ses échappées belles, un énigme se résout, au prix de nombreuses péripéties au final tellement passionnantes.
Aussi n’hésite-t-elle pas un seul instant à s’engager à sa poursuite pour tenter de le rattraper.
Le clocher du village d’Onuid’hui annonce 11 heures, il est 9 heures au soleil.
Ils avaient la journée entière devant eux, tout irait bien. C’est du moins ce qu’elle présumait.
Avançant nez au vent en flânant et sifflotant un air de Brel, Justine aperçut le chat, loin devant, qui faisait mine d’attraper une mouche ici, un argus bleu là, ce qui lui permit de gagner un peu de terrain sur la distance qui les séparait.
Au bout d’une heure, l’escarpement devint tel que seuls, les virages zébrés à 180° (mesuré au petit rapporteur) permettaient au sentier de rester praticable.
Merlin disparut de son champ de vision.
Aussi, déporta-t-elle son regard sur le paysage sublime aux mille nuances de vert.
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– On s’ennuie, là ! Tu ne pourrais pas mettre un peu d’action, Lewis ?
– Non Alice ! Nous allons nous mettre en retard !
– Ce n’est pas drôle, père Caroll. C’est le lapin qui est toujours en retard. Pas nous.
– Si tu faisais un effort d’imagination, Alice, tu pourrais voir le monde dans un grain de sable.
Lewis s’arréta là car…
La machine à écrire avait repris son lent « clap clap clap » pendant que Lewis et Alice observaient la ligne progresser sous leurs yeux ébahis.
– C’est bien la dernière !
– L’intelligence artificielle ?
– Elle est un peu en avance, non ?
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Pendant ce temps, Merlin sentait bien qu’une patte clochait.
Il s’allongea dans l’herbe, attendit, Justine le rejoint.
– Miaou ! J’ai une gène à la patte.
A l’examen, Justine découvrit, étonnée, qu’il y avait là tout un système solaire.
Plus elle retirait de grains dans les interstices des coussinets, plus les tables de multiplications solaires devenaient impossibles à dénombrer.
Quoiqu’il en soit, le chat soulagé et remis sur pattes reprit sa progression en direction du château.
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– Lewis, est-ce que tu sais où sont les pattes de la lettre ?
– Quelle drôle de question Alice !
– Ok, ok ! Mais hormis voir le monde dans un grain de sable égaré entre les coussinets d’une patte de chat, ne pourrait-on pas plutôt voir le paradis dans une fleur sauvage ?
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– Justine ?
– Quoi Lewis ?
– Alice a posé une question !
– J’ai cru qu’elle l’avait posée à Merlin.
– Du moment qu’au moins une réponse soit donnée.
– La nature a horreur du vide…
– Mais aussi de ne plus savoir qui parle… De l’auteur, du chat, de Justine, de Lewis ou encore d’Alice.
– Bah, ce n’est pas si important… Merlin, c’est facile.
– Alors ?
– Miaou ! Pour en savoir plus, allons voir la Dame d’Onze heures !
– Ça tombe bien ! C’est exactement l’heure qu’il est !
Toute mignonne, avec ses six pétales blancs, elle était là, la tête tournée vers le soleil, baignée de lumière.
– Oh, Justine, on m’avait annoncé ta venue. Si tu regardes mes étamines en corymbes, tu y verras…
– J’y vois ! Mais comment décrire…
– Miaou !
– Voilà, c’est complètement ça ! Merci Merlin.
– Ça te va comme réponse, Lewis ?
– Ç’en est une.
– Miaou. Si nous voulons arriver au château avant la tombée du jour, reprenons !
– A vos ordres, mon capitaine !
– Je viens avec vous !
– Quoi ? La Dame de Onze heures quittant son heure ? S’écrièrent en chœur Justine, Merlin, Lewis, Alice et l’intelligence artificielle.
– Et alors ? Ça défrise qui ?
– Mais l’horloge, très chère !
– Oh, celle-là, elle tient l’infini dans le creux de sa main, ça ne lui suffit donc pas ?
– Faites gaffe, elle peut faire tourner ses aiguilles aussi vite que l’aurore. Aussi rapide que la lumière, et pas éteinte, elle peut même rallumer les étoiles d’un coup de cadran d’un seul !
– On m’appelle ? Dong ! Voilà, c’est fait !
– Miaou. Madame, Onzeure, vous êtes aussi Onzeure du soir ?
– Justine ? Il est bête, ce chat, ou il le fait exprès ?
– Merlin est un magicien !
– Ah, pardon, respect ! C’est une bête pas bête du tout alors !

– Aller aller ! On s’active, là ! N’oubliez pas qu’on change d’heure cette nuit !
– Ah bon ? Et qu’est-ce qu’on met à la place ?
– Miaou. Pfffff ! Des fois, je me demande où sont les bêtes…
– Je suis une fleur, Merlin, pas un calendrier !
– Assez bavardé ! Merlin, Onzeure, foyaller !
– Miaou. Alors, elle vient avec nous ?
– Si elle veut.

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– Dessine moi un visage, mouton. Celui du temps.
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– Je passe, petit prince. Lamartine dit de moi que je n’ai point de rive. Peut-être faut-il élargir le champ de mon action pour imaginer sortir de mes flots. Tantôt de sable et tantôt eau, ma substance est indéfinissable. S’il en existe une seule au monde qui échappe à mon pouvoir, c’est peut-être le vide de l’espace sidéral, et encore…
Pas de matière, pas de temps !
C’est encore un regard d’Homme. Car le vide, les astrophysiciens l’explorent, ne serait peut-être pas si vide qu’il voudrait bien nous le faire croire.
En attendant je passe, et vu de la petite lorgnette des êtres humains, je file entre les doigts de l’impossible arrêt, garant d’une sphère où la vie peut se réaliser.
Indivisible et pourtant divisé, c’est vous qui me scandez.
Vous qui êtes entrés dans mon courant pour faire l’expérience de l’insaisissable instant présent infini.
A l’intérieur de mon action tout est en mouvement. Vous pouvez essayer de me ralentir sans grand succès. Seule, la perception que vous avez de moi pourra varier.
Dans l’expansion de l’univers rien ne m’échappe. D’autres lointaines planètes abritent sans doute des êtres régis par mes lois. L’intervalle de temps spatial que la preuve de leur existence arrive à nous est si long qu’ils seront déjà morts lorsque nous la recevrons.
Remarquez combien il est difficile de se détacher de moi pour en dire quelque chose. Aussitôt que possible la pensée revient se placer de votre point de vue, c’est alors vous qui reprenez la parole.
C’est d’ailleurs vous qui m’avez inventé.
Sans votre existence d’êtres humains dotés du langage par l’intermédiaire de la pensée, existerais-je ?
Pourtant, bien avant vous j’existais déjà.
Et j’existerai encore bien après vous.
Serais-je alors la seule création à échapper au phénomène d’impermanence ?
Peut-être.
Peut-être pas.
Je trimballe d’une incarnation à l’autre mon mystère chargé d’ignorance et de paradoxes.
Au fond, c’est peut-être moi, Dieu ? Ce Grand Autre tout puissant qui anime la matière au gré de ses inventions, histoire de s’auto-découvrir à l’infini. Je me rendrais fou moi-même si je n’avais découvert les incroyables facettes de mon existence. Choisissez un de mes visages et aussitôt je disparais tant il y en a d’autres qui apparaissent.
Je suis l’indescriptible.
J’ai le visage de mes manifestations.
Je suis la vie, je suis la mort, je suis la pierre taillée, le vent qui souffle dessus, le temps qu’il fait. La peau ridée, la peinture écaillée, l’édifice écroulé, la résignation des perdants, l’acceptation des sages, l’adaptation des gènes, l’évolution des espèces, la couche de neige et le soleil brillant.
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– Es-tu aussi l’amour ? Demanda le petit prince. L’énigmatique rose mortelle et immortelle ?
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– C’est peut-être elle qui m’a fait naître, petit prince.
Répondit, songeur, le temps.
– Ou bien l’inverse, va savoir…
La rose immortelle de l’amour dépasse mon domaine de compétence. Elle a créé l’île où l’on ne meurt jamais. Car en plus d’avoir l’étendue illimitée de mon domaine, elle a cette chose en plus qui s’appelle un cœur.
Un cœur qui anime l’âme de ceux qui aiment, infiniment…
Et qui la rend immortelle.
Mais c’est moi qui lui apporte la lumière.
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Il y a des mythes au logis
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Dans les trous du réel, tous les mythes se logent jusqu’à remplir les vides, colmater les esprits, boucher l’accès à leurs délires.
Hélas, plus fort que la matière, le vide remplit le monde.
Il est, dans sa force, maître à bord.
L’oubli règne dans les plis de sa houppelande.
Et voici l’esprit à produire, raccommoder, refaire l’histoire.
Ainsi avance l’humanité.
Elle écrit, réécrit, réinvente, transforme, métamorphose, jusqu’à découverte complète des vérités premières. Celles qui n’ont jamais bougé. Celles qui seront encore là dans mille ans.
Le mythe de l’amour en est un.
Dans sa fonction de maintien du monde, il erre désespérément à la recherche d’un asile, frappe de porte en porte, parfois entendu, parfois nié. Il n’entre que peu, et pourtant il est là, présent, empli du mystère de son nom.
Mais les mythes ne font pas bon ménage.
Ils luttent pour exister, au péril de leur vie, jusqu’à la perdre totalement.
Ceux qui sont morts ont encore un tombeau sur lequel les autres peuvent lire, témoins de leur existence passée.
Chacun d’eux se feuillette jusqu’à la réparation, jusqu’à la disparition.
Il en est d’autres qui, venant du fond des âges, se lisent en creux.
Le premier est un homme, Adam, toujours vivant.
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– Mais qu’est-il donc venu faire dans cette galère ?
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Nous avons voulu faire appel à notre envoyée spéciale, Cyclopédie, pour qu’elle aille voyager jusqu’à lui, mais Cyclopédie en Vacance n’est pas joignable.

Aussi, JoBougon et son espace font-ils appel à vous pour y répondre.

– Mais qu’Adam est-il donc venu faire dans cette galère ?
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Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa. (Genèse 1, 27)

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Le store vénitien

Il est à claire-voie et son caillebotis aux nuances boisées mélèziennes est si doux à caresser que Marie, à chaque occasion, ne manque pas de toucher ses planchettes d’une pulpe de doigt soyeuse, suivant amoureusement les jolies veines aux dessins mystérieux.

Son imagination la surprend parfois à rêver d’histoires toutes plus fantasques les unes que les autres.

Elle se dit à chaque fois qu’elle devrait les écrire, ces histoires, quand l’œil du bois anime son regard intérieur et vient mettre en perspective une somme de scénarios rocambolesques dont seul son langage a le secret.

Toute une multitude de personnages peuple sa densité. Les ondes solaires, suivant l’heure du jour, viennent souligner certains, mettant en valeur une existence, puis une autre. Les relations se nouent entre elles, se dénouent parfois, certaines disparaissent, d’autres arrivent, et à l’intérieur tout s’organise naturellement, dans le calme le plus olympien qui soit.

Ouvragé par le fameux architecte Lord Norman Foster, l’initiation du projet, depuis sa conception jusqu’à la réalisation complète et son installation ayant pris rien moins que sept ans, il va sans dire le prix de l’objet culte qu’aujourd’hui Marie parcours des doigts avec toute la douceur chaleureuse du grain de soie dans l’inaltérabilité du plaisir à laisser voyager son âme aussi loin qu’elle puisse s’aventurer, c’est-à-dire dans l’immensité illimitée de l’inimaginable imaginaire.

Ces derniers temps, les songes délimitent un espace dans lequel gît une ombre aux contours brumeux. Certains personnages apparaissent alors plus régulièrement.

Bénédictin et Louise, deux archéologues spécialistes du nocturnisme ligneux, équipés d’outils spécifiques à la mise à jour des ombres, creusent, fouillent, dénichent et éclairent morceaux par morceaux l’ensemble de ce qui gît dans cet espace, allant de surprises en découvertes, extirpant quelques doutes au passage, récoltant ça et là pistes de recherche diverses, identification des origines de l’ombre, remontées généalogiques, signatures conditionnées sous vide, conservées soigneusement jusqu’à ouverture, dissection de nécroses et autres fioritures.

Un concept paraît émerger de la fouille.
Qui est le suivant : tout signe d’appel d’une quelconque nébulosité est à considérer.

Sans aborder la question de la considération anxieuse, mais bien plutôt du côté pittoresque et singulier, chaque nébulosité contient son réservoir de force et d’endurance tout en maintenant à perte l’énergie du dispositif déconditionnable tant qu’il perdure.

Georges Buffalo, quant à lui, recense tous les points d’intersection d’où sont issus les détails constituant ce qui pourrait être nommé la qualité particulière de l’ordinaire.

Les pores de respiration du bois en sont la première manifestation.
Certains boursouflent, d’autres cramoisissent, d’autres encore présentent une pointe blanche, laissant supposer la partie cachée de l’iceberg.
Dans le dernier cas, Georges Buffalo fait appel à la compétence de Michaëlle Long et son outil spécial, qui viendra extraire l’ensemble en l’arrachant par la pointe.
Le corps de la partie invisible est ensuite passé à l’appareil converse, qui restitue la totalité en version poétisée à souhaits, tout en laissant émerger toute la beauté de l’émanation prismatisée originelle.
Ainsi, une zébrure tournée en vers devient une marbrure diamantaire dans la boiserie du store ; une bosse de chameau, un dos de perle huîtrière ; une écaille de tortue, un liséré d’or kintsugi ; et ainsi de suite.
Michaëlle nous a confié quelques bribes de poésie, pour illustrer par l’exemple l’effet de l’appareil converse.


L’épine discrète

Pointe n’en faut,
Quand sur la pointe des pieds,
Perchée sur une bosse de chameau,
La pointe du cœur vers l’amour tournée,
Elève son chapeau,
Vers le creux du souhait,
D’aimer d’un cœur léger,
Jusqu’au dos du chameau.

Pointe sans faux,
Jusqu’à faire reculer,
A la garde des mots,
L’étendue des contrées,
Aux larmes de couteaux,
Et sortir de la roche,
La larme bleue de l’épée bleue d’Antioche.

Point trop n’en faut,
De ces rigueurs givrées,
Mais vers le sud, temps beaux,
Dans l’effort de monter,
L’escalier des oiseaux,
Pour enfin s’envoler,
Sur la pointe des mots.

Point-virgule en duo,
Calame ensorcelé,
Embrasure d’à-propos,
Et finesse évoquée,
Feront pencher l’gigot,
Vers le Saint Héritier.



Un lecteur distrait pourrait se poser la question de savoir si Marie ne serait pas le diminutif de Marie-Cyclopédie.
Un mot attentif à Marie répondrait simplement que Gustave Eiffel n’est pas le peintre de l’origine du monde.
Un autre attentif à Cyclopédie pourrait passer pour un imbécile en affirmant que le Roi n’est mage que dans le jardin d’autrui. Et pourtant, pourtant… Rester. N’avoir pour seul secours que cette confiance enracinée dans on ne sait quelle profondeur nébuleuse, au cœur d’un jardin tout aussi mystérieux, c’est dire combien « n’obtient pas la myrrhe qui veut ».




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L’escarpement du parcours tracé à la voix d’alunir fait fuir les curieux du bocal d’escient déplacés par les buveurs de biens. Ainsi peuvent gravir allègrement la déclive ceux qui, créateurs de justes fantaisies, sur les hauteurs du Mont Fuji, d’un rythme jonglé constantatoire marquent les pages des livres oubliés.
Cette route de la légende écrite, endurablement lavée du volcan, surprend le voyageur par la précision de son pinceau.

https://ledessousdesmots.wordpress.com/2021/02/13/aux-gouts-nuances-le-vivant-saffronte/

Grande admiratrice du style nuancé d’un artiste hors du commun, j’ai un peu honte mais il m’est venu l’idée baroque d’imiter le genre rococo de l’artiste en éditant de temps en temps des micro-looping du caractère approché.
Voici le premier trajet, avec Hokusai pour illustrer mes petites promenades elliptiques en pays lettré.
Vous pourrez aller suivre les tribulations de cet artiste au sommet de son art jargonné avec le lien fourni ci-dessus.
Quand c’est grand et bon, il est bon de le reconnaître.
L’imiter est un défi.
Chaque exercice le relève.
Un grand bravo Max-Louis Doré à la Gustave.

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