Il n’y a pas de Gabonais au numéro que vous avez demandé. Parlez après le signal sonore. Bip – Bip – Bip – Bi – Bop – Be – Bop – A – Lula.
C’est toujours comme ça, quand tu as besoin de ta meilleure copine parce-que tu sens que tu couves une grosse pintade, et que la pintade, c’est toi, bin croyez-le ou pas, ça fait râler de chez craquer.
Bon, dans ces cas là, il me reste encore une sortie de secours. Aller me payer un gloubi-boulga chez Casimir, ça tombe plutôt bien, il y a quatre jeudis cette semaine, voyons, voyons, jeudi ou jeudi ?
Plutôt jeudi au final. Quoique, jeudi, c’est pas mal non plus. Bref, je ferme les yeux, je lance mon doigt à l’aveuglette sur les jeudis de la semaine, et là… Surprise, je tombe sur jeudi. Ça tombe plutôt bien encore une fois, puisqu’on est jeudi. Ouf ! J’ai bien cru ne jamais m’en sortir.
Donc, c’est décidé, je file au carnet bleu, chez Casimir et Susy, sa copine la nymphomane, avec mon tricycle. On l’appelle comme ça parce-qu’elle est capable d’engloutir dix gloubi-boulgas d’affilées et d’avoir encore faim. Bon, tu me diras, avec Casimir, ils forment un super beau couple. Lui, il a la ligne arrondie devant, elle c’est derrière, ce qui fait qu’ils s’emboîtent si parfaitement bien qu’à eux deux ils posent pour les magazines Tao. Tiens, je vous envoie un portrait.
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Allo les studios, ce n’est pas tao cette photo, mais qu’est-ce qu’y fout… à la télé, tu veux pas qu’ça rende rogneugneu ! Rhhhôôô !
Bref, je continue.
Ils me surnomment le dragon. Oh, c’est toute une histoire. C’était le jour où je leur avait commandé un smoothies barbe bleue. En fait, le bouchon doseur est tombé avec le curaçao, et la coupe était pleine. Je reconnais que je m’étais bâfrée, c’est pas tous les jours que t’es servi copieux dans un établissement pareil. J’avais juste pas prévu que mon estomac se retourne, dans un hoquet général, sur glace pilée, je vous dis pas, ça fait du désordre, comme une grosse gerbe. Alors ils m’ont raconté qu’à me voir déposer un renard triple boyaux sur le parquet fraîchement lavé, ils ont cru voir un dragon cracheur de feu bleu. Paraît qu’en Chine, y sont sacré, et protégés. Depuis, on en rigole encore quand on se voit.
J’adore les regarder travailler en cuisine. Ils sont inséparables, imparables, impeccables, imperméables, improbables, cherchez l’intrus, et tellement heureux d’être ensemble. Oh, ça ne se voit pas du premier coup d’œil, c’est fin, juste assez pour l’intuiter, à peine pour le voir pour qui ne les côtoient pas. Ils ont une grâce infinie à se savoir, à se sentir là, ensemble c’est tout, à se vivre. Ils dégagent une aura de fraise tagada, tagada, tagada, tagada tsoin tsoin, tagada, tagada, tagada tsoin tsoin, enfin, ils sentent bon, ils sentent le bonbon.
Deuxième acte, la scène se déroule devant la carte, le choix s’avère cornélien, mais ce n’est pas la première fois, comme on dit, les goûts et les couleurs…
Bref, les couleurs qui se faisaient plus vives, même si c’était le mois dernier, continuaient à se densifier, s’y fier, danser, dans ses fieffées cartes, les mélanges s’intensifiaient. Au point que même Casimir en eut des suées. Trop de couleur tue la couleur, divise-moi tout ça par une racine carrée !
Hippolyte son meilleur ami arriva juste à temps pour l’arrêter.
– Stop, fais gaffe mon vieux, choisis bien ton chiffre. Diviser de la racine au carré, c’est comme faire de la compote de pommes, si tu ne mets pas un peu de sucre, y’a comme un pépin.
– Ah ! Quel est le chiffre préféré des Français alors ?
– C’est le 28, parce que dans le 28, il y a 2 et il y a 8.
– Allons pour la racine carrée de 28, je ne suis pas contrariant pour la futilité populaire. D’ailleurs, la popularité n’est pas mon fort. Il me semble que la maison a opté plutôt pour la qualité dégustative que pour le chiffre d’affaire. Mais quitte à marier les deux, je préfère que la clientèle sorte satisfaite plutôt que la bourse à plat. Je ne ferai pas un cour complet d’algèbre, ni un tour complet du cadran solaire, pour dire que la saveur ne se compte pas, bien au contraire, la saveur compte, c’est ce qui fait son goût de reviens-y.
Revenons-en à nos couleurs. Dans une comédie en trois actes, il y a comédie, et il y a …
Quatrième de couverture, passage à l’acte.
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– Je prendrai la coupe paléobotanique s’il vous plaît.
Casimir se retourne et me toise de haut en bas.
Pour s’écrier de son bon ton le plus orange qui soit.
– Qu’est-ce que c’est que ce vous !?
Oh la la, je sentais déjà le clafouillis arriver, j’ai piqué un far, puis le nez dans un gloubi-boulga imaginaire pour tenter de sauver la façade. Peine perdue, et c’est rouge comme une pivoine que je bégeya lâmentablement dans la semaine des quatre jeudis.
Si vous voulez le numéro de mon répondeur, composez le gabonais absent et faites l’étoile.
Je vous remercie de votre attention dans le cadre de cette comédie en racine carrée de 28 actes, à partir de ce tombé de rideau, la scène sera jouée en cryptée.
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