Le temps peut prendre bien des visages, d’ailleurs, si vous le rencontrez un jour, reconnaissez-le à quelques détails subtils. Habituellement invisible, ou presque, il agit si lentement que son action ne se remarque qu’une fois qu’il est passé. Mais ne vous y trompez pas, il n’est pas parti pour autant. Il a la caractéristique de se faire oublier, la délicatesse de ne vouloir effrayer personne. Bien qu’il n’ait aucune intention, sa nature le porte à détruire. Comment pourrait-on lui en vouloir ? Il oblige chaque créature à observer, constater, faire aveux d’impuissance, pour finalement l’accepter comme un compagnon de vie. C’est en allant à la fête de l’apiculture pastorale qu’un de ses détails flagrant a fait irruption dans le paysage. Les ruches sont déplacées en fonction des floraisons afin d’être plus productives. L’utilisation de la Nature comme objet par l’Homme tient-elle compte des réels besoins de celle-ci ? De quels modes de communication dispose la Nature pour exprimer ses besoin ? Je crois profondément que nous allons devoir faire preuve d’humilité devant l’urgence de revenir à un respect des lois intrinsèques du droit naturel de Dame Nature pour réussir le pari de faire entendre nos propres besoins. Ça, c’est l’œuvre du temps.
L’agenda ironique chez Isabelle-Marie d’Angèleporte un changement d’heure dans un champ avec des fleurs, des plantes qui piquent, qui grattent, qui irritent, des mauvaises herbes dont un pissenlit avec une valise et un truc qui donne l’heure. Les mots graines sauvages et corolles y seront. Le terme prévu est le 28 mars. . ………………………………………………………………………………………………………………. . Dans la nuit du 25 au 26 mars, à 2 heures moins le quart du matin, un léger bruit fit trembler le territoire du milieu. Nous sommes dans la région d’Aram, au cœur de la Syrie. Le pays du Levant. Les pluies de l’année ont été favorables. La lune, dans la touffeur douce de l’heure, effleure d’une tendre caresse rêveuse le délicat chatoiement campagnard. Le territoire du milieu, un champ en jachère, est d’une verdoyance lumineuse. Bien que plongée dans l’obscurité lunaire, son étendue laisse deviner une multitude de têtes fleuries, aussi colorées les unes que les autres. L’une d’entre elles vient d’extraire sa racine, ou plutôt, ses deux racines, prenant appui sur ses crans. Elle se lève sur la pointe des racines pour marcher, la terre tremble, que va devenir son humus si toutes les plantes se mettent à marcher ? Du haut de son inflorescence solaire, le pissenlit avance une racine, puis une autre, lorsqu’un chardon sorti de nulle part dresse soudain devant lui une feuille aussi épineuse que le dard du roi scorpion, ou que le bracelet magnétique porte épingles de Tatie Danielle. – On veut aller où comme ça, l’Asteraceae ? – Bah ! En voyage, tiens ! – C’est pas un endroit, ça ! – C’est pas un envers non plus ! – On passe pas ! – C’est ce qu’on va voir ! Aster secoue ses feuilles, s’élève dans l’air, s’envole. Cardon très irrité s’énerve. – Mauvaise graine, va ! Aster est trop loin déjà pour l’entendre. Il vient de se poser sur une corolle magnoliacée blanche comme neige. – Va laver tes racines, tu salis ma robe ! – Décidément, quel accueil ! – Vous, les sauvages, vous salissez toutes les puretés ! – Nous ne sommes pas là pour élever les cochons ! – Ni les scorpions du Nil… Eole, souffle sur cet individu, qu’il quitte mon nid ! Le vent de service souffle alors sur l’arbre et chasse le pissenlit qui se retrouve posé doucement, tout doucement sur le gnomon du scaphé fixé au mur de la maison d’Isabelle-Marie d’Angèle qui jouxte le champ. Le scaphé, ou si vous préférez « la barque », est l’un des premiers mesureurs de temps, un cadran solaire projetant l’ombre du gnomon sur les douze graduations du jour. Il est deux heures du matin, l’ombre de la nuit va reculer d’une heure. L’Aster aussi. Un léger tremblement secoue à nouveau la terre. Il est une heure du matin. Le pissenlit s’éveille en sursaut, bien ancré dans le sol par ses trente centimètres de racines. Quel est donc ce si beau songe ? Se dit-il. C’est promis, au prochain changement d’heure, je réessaye mon voyage. Et qui vivra verra ! Là-bas, au pied du mur de la maison de Marie-d’Angèle Isabelle, une toute petite valise reste posée. Qui n’attend plus que le dimanche 29 octobre pour être retrouvée par son propriétaire. A l’autre bout du champ, on entend un chuchotement pointu, comme un grattement d’aiguille sur la pierre du temps. Un chardon s’extrait du sol, poussant sur ses épines, la tête violette d’effort. Ses racines longues de six mètres n’en finissent pas de sortir de terre. De cette hauteur, c’est sûr, je verrai l’Aster de tout à l’heure. Se dit-il, perché sur ses échasses racinaires. Il s’en approche, reconnaît la tête d’or, l’interpelle. – Eh, toi, l’Aster, tu dors ? – Non, pourquoi ? – Tu t’es trompé de changement d’heure, à deux heures, il était trois heures ! – Elle est bien bonne celle-là ! – Aller, va récupérer ta valise et te repercher au gnomon. L’éclair de lumière qui fusa du fond de la nuit parut pour certains un miracle, au point que chaque fleur des champs témoin décrivit l’évènement. On en fit un recueil, relié cuir pleine fleur, qui sort encore de la nuit des temps par sa lumière. Le papyrus biblique ! . ……………………………………………………………………………………………………………….. . L’Aster, du nom que l’on peut prononcer, vous l’avez compris, issu du diminutif d’asteraceae, de la famille dont est issu le pissenlit, l’Aster, donc, reperché à nouveau sur le gnomon, attendait benoitement le changement d’heure. L’ombre des deux heures du matin s’approchant à pas de loup, il ne l’entendit pas arriver. Froutch ! Cette fois, c’est sur une agave qu’Aster atterrit. Après avoir glissé sur une longue, très longue feuille de la plante grasse, un cran s’aggripe à une épine du bord et l’arrête dans sa course. Aster est secoué mais ce qu’il découvre le surprend encore plus. La base de l’agave est en acier peint, ça et là des écailles de vert se détachent, mettant à nu le métal froid. L’imitation est si parfaite que l’agave pourrait passer pour vraie si le temps n’y avait décollé quelques touches de maquillage. Un cactus dans un champ de fleurs, tout d’acier coloré de résine ! C’est insensé ! Evidemment, vu sa taille gigantesque, pissenlit Aster se trouve bien minuscule. Il sent alors bouger quelque chose sous ses racines. Le cœur de la plante grasse s’anime, une mécanique incroyablement précise se met à tourner, attrapant l’extrémité d’une des racines d’Aster vers l’engrenage dentu d’un pressoir. Tout va très vite ensuite. Une haie de chardons s’est rassemblée autour de l’agave. Ils portent, au creux de leurs feuilles épineuses, des cailloux qu’ils jettent de concert au cœur de la machine, écartant suffisamment les dents pour que le brave pissenlit retire sa racine indemne et se sente soulevé dans les airs par quarante têtes bleues, puis déposé au sol avec douceur. Ouf ! Il a eu chaud ! Une petite perle blanche suinte au niveau du cran qui s’était accroché au bord épineux de l’agave. Aster est blessé, heureusement rien de grave. Tournant sa tête d’or vers la barque et le gnomon, il remarque que l’ombre de la nuit est passée à l’heure d’été. Au pied du mur il n’y a plus rien. Il se dit que décidément, rien n’est cohérent. L’heure d’été au printemps ! Il n’y a plus de saison ! Que s’est-il donc passé pendant l’heure écoulée qui n’existe pas ? Une valise a disparu, peut-être ? Aster remercie les chardons aux jolies efflorescences bleues et reprend sa marche. Cette fois, aucun d’entre eux ne lui barre le chemin. Un vent de liberté souffle sur leurs têtes.
Dans la caste des vertus, il existe un sous-langage qui grimpe autour de l’arbre du texte et s’enroule à la manière du lierre autour de son tronc. Jean-Baptiste Poquelin l’avait découvert en fréquentant l’école des femmes savantes, par la plus grande des coïncidences, ayant eu la chance d’enrouler un texte parcheminé autour du sien. Ce qui ne fût pas sans conséquences. L’ensemble de la fameuse spirale risquait parfois la tornade. Heureusement, chaque souffle rendait l’accroche du texte enroulé chaque fois plus solide. Ainsi, l’arbre mot offrait, chevelure aux vents, toute une panoplie langagière à qui voulait bien l’accueillir. Cyclopédie, qui parcourait le territoire tribal de la réserve naturelle des vertus, arrivée au cœur d’une forêt dense et obscure, découvrit l’arbre phénomène et, voyant toutes les branches ployer sous le poids en fit un bouquet. Ainsi, ajustés par l’harmonie qui en émanait, les branchages disposés dans un vase trônèrent bientôt sur la table du salon. Or, il advint qu’un jour, plus soporifique qu’un autre, un besoin de sieste l’allongea sur le canapé jouxtant la fameuse table. Dans sa somnolence, les yeux mi-clos, elle décela le phénomène en observant ses ajustements se transformer sous son demi-regard. La touffeur alphabétique ne cessait de moduler en constant remaniement chaque pétale syllabique, remodelant à l’infini l’écart de tous les possibles. De nouveaux départs de spirales prenaient des directions simultanées, dans le contraste le plus singulier qui soit. Cyclopédie s’endormit sur cette vision en mouvement, l’emportant ainsi dans ses rêves. Dans le premier, elle arrivait devant un portail fermé, et admirait l’élégance du domaine. Au fond la bâtisse était recouverte de lierre. Quelques feuilles caressées par le vent bougeaient doucement. Un léger son bruissant écrivait son concert invisible dans l’air tiède du printemps. Cyclopédie pouvait suivre le mouvement de l’instrument à vent dans le déroulé de sa nuance sonore. Elle était charmée. Dans le second, la porte s’ouvrit, comme par magie, et elle entra, se sentant invitée à le faire. Il y avait un jacuzzi à l’intérieur duquel glougloutait une eau vive et claire. Sur les bulles rebondissait parfois une grenouille, qui disparaissait ensuite dans les longues herbes en bordure. On aurait dit comme un jeu batracique animé par on ne sait quelle règle, rythmé par la cadence régulière du chant de l’eau. Dans le troisième, le tintement d’une cloche l’attira vers l’arrière du bâtiment. Elle y découvrit une chapelle, revêtue d’une grâce infinie. La fraîcheur de l’intérieur contrastait avec celle de la douceur printanière du jardin. Aussi, elle ne s’y attarda pas très longtemps. Dehors, s’élevait maintenant une construction de branchages emmêlés dont la verdure épaisse tapissait les parois. Tiens, se dit Cyclopédie, ce doit être construit par des enfants, joli refuge ! En se penchant pour regarder à l’intérieur, elle découvrit un espace beaucoup plus étendu qu’elle ne l’avait imaginé, laissant entrevoir d’autres extensions existantes dans la multitude labyrinthique dont elle pouvait, d’ici, en deviner partiellement l’ampleur. Dans le quatrième, une grotte lumineuse tapissée de sable chaud et ouverte sur la mer ensoleillée lui permit de se reposer. Le flux et le reflux de l’océan venaient lécher la bordure sablonneuse d’un doux balancement régulier. Enfin, le cinquième rêve, réajustant ses lettres de noblesse, lui déroula son parchemin. Elle le suivit, gravissant doucement chaque étape sans essoufflement, parvenant à la cime pour se rendre compte que chaque cime la faisait revenir à la base. Allons, se dit-elle. Si je m’éveillais, reposée de ma sieste, je pourrais relire mon bouquet avec le regard éclairé de ma reprise de vitalité. Sortant du sommeil réparateur, Cyclopédie, les yeux grands ouverts cette fois, pu observer à loisir le bouquet de mots lierre avec la joie ineffable de sa découverte. Quel bonheur se dit-elle alors. J’apprends de cet enroulement toute la plénitude de la substance du langage. Pour sûr, c’est un cadeau de Dieu !
Le langage est une substance, Il enroule et déroule, Il parcourt et devance, Il entremêle de toute sa foule. Le langage est une danse, Il noue dans ses cheveux, La grâce ou bien l’aisance, Le contour de ses yeux. Mais le langage n’a pas, Le rayon de la joie, mais le langage n’a pas, La douceur de nos voix.
L’escarpement du parcours tracé à la voix d’alunir fait fuir les curieux du bocal d’escient déplacés par les buveurs de biens. Ainsi peuvent gravir allègrement la déclive ceux qui, créateurs de justes fantaisies, sur les hauteurs du Mont Fuji, d’un rythme jonglé constantatoire marquent les pages des livres oubliés. Cette route de la légende écrite, endurablement lavée du volcan, surprend le voyageur par la précision de son pinceau.
Grande admiratrice du style nuancé d’un artiste hors du commun, j’ai un peu honte mais il m’est venu l’idée baroque d’imiter le genre rococo de l’artiste en éditant de temps en temps des micro-looping du caractère approché. Voici le premier trajet, avec Hokusai pour illustrer mes petites promenades elliptiques en pays lettré. Vous pourrez aller suivre les tribulations de cet artiste au sommet de son art jargonné avec le lien fourni ci-dessus. Quand c’est grand et bon, il est bon de le reconnaître. L’imiter est un défi. Chaque exercice le relève. Un grand bravo Max-Louis Doré à la Gustave.
Un joyeux tic-tac s’élevait de la grande comtoise. Il n’était pas arrivé d’un coup, il avait pris son temps pour faire entendre sa note joyeuse. Tout avait commencé dans l’atelier de l’horloger. C’était un homme précis, droit comme un « i » dont le point viserait l’astre du jour pour en faire le centre rayonnant au faîte de son tronc. Toutes ses commandes étaient en retard lorsque Marco, illustre horloger de Venise, eut cette idée lumineuse. Construire l’horloge du bonheur. – Rien moins que cette loufoque idée ! Lui avait lancé son plus gros client, le comte de Monte-Mario. – Rien moins ! Avait répondu Marco du tac au tac, dans la plus grande simplicité. Et sourd aux moqueries et quolibets de la multitude des discours ironiques de ceux qui avaient abandonné toute tentative au bénéfice d’une sagesse masquant leur désespoir, Marco s’était attelé à la tâche en sifflotant sur les airs mélodieux vivaldiens. C’est ainsi que, entre deux commandes, il assembla la belle comtoise. Chaque pièce, usinée soigneusement, possédait la précision nette et millimétrée qui lui permettrait de s’ajuster à l’ensemble. Le comte de Monte-Mario passait régulièrement s’enquérir de l’avancée du projet, tout en convoitant amoureusement sa réalisation finale. Or, toute fin entendant un deuil, celui de son incomplétude, Marco procrastinait parfois, pressentant le départ du grand œuvre en d’autres mains. Elle arriva à terme un dimanche, à onze heures trente cinq du matin, très exactement, et l’atelier résonna longuement de son premier tic-tac. Quelque chose comme un chant de rossignol faisait écho à sa tonalité, et le bruit enchanteur offrait à Marco mille sensations subtiles si merveilleuses qu’il en était transporté. Mais le comte de Monte-Mario veillait, et lorsqu’il vint constater l’aboutissement du travail de Marco, il fut subjugué et offrit une somme astronomique à son auteur. Marco n’avait pas le goût du luxe. Il venait d’un milieu simple, aimait la vie qu’il menait et refusa tout net de la vendre. C’est alors que les fléaux du comte s’abattirent sur lui. Mille et une misères, diverses et vairées, que le vieux comte savait si bien réserver à ceux qui osaient résister à sa puissance. La comtoise, imperturbable, continuait la cadence régulière de son tic-tac joyeux, mais bientôt ses notes n’atteignirent plus l’âme de son créateur. Les vents contraires du comte envahissaient le terrain. Ainsi, épuisé de résistance tenace mais inefficace, Marco en vint à imaginer la possibilité de vendre son œuvre. Il invita le comte à une fête en petit comité et négocia âprement les termes de la transaction. Il avait bien compris qu’il n’y aurait pas d’autre réalisation à la hauteur de celle-ci. Le comte de Monte-Mario accepta sans négocier. Il la désirait si fort et depuis si longtemps, sa belle comtoise, qu’il était prêt à se ruiner pour elle. Et l’emporta en sa demeure. L’horloge devint le joyaux d’une collection que l’écrin de la pièce dans laquelle elle fut installée ne démentit pas. Hélas, les contes ont leur morale. L’horloge, dont plus personne ne prenait soin, et qui en était réduite à produire un son visant à rendre heureux ses auditeurs, en vint à se taire. Effondré, le comte se mit à dépérir. Plus de tic-tac du bonheur. La machine à rouages s’était enrayée. Son blocage mortifère gelait dorénavant le silence de sa lugubre glace. Le comte partit en voyage pour guérir de la tristesse qui s’était emparée de son âme mais rien n’y fit. Lorsqu’il revint à Venise, la belle comtoise était toujours là, mais elle était comme sans âme. C’est alors qu’il fit appel à l’horloger. Marco s’était retiré au fin fond de la Toscane, dans le charmant village de Volterra. Il réparait bien encore parfois quelqu’horloge un peu déréglée mais sa nouvelle fortune lui suffisait pour vivre sans rien faire. Une part de lui était restée avec la belle comtoise, il y pensait souvent, et un fond de nostalgie flottait en lui dans sa présence absente. L’incomplétude était si habituelle qu’il finissait par ne plus ressentir le vide, il vivait paisiblement, doucement, mais sans joie. Lorsqu’il reçut la demande du comte, il sentit à nouveau son cœur battre. Il allait revoir la belle comtoise. Mais que plus aucun son n’émane de sa création l’inquiétait beaucoup. L’œuvre de sa vie ne pouvait mourir ainsi. Elle était née pour être éternelle. C’est ainsi qu’il prit la route pour rejoindre Venise. Une fois arrivé sur place, le comte, qui avait tout prévu, lui mit à disposition tous les instruments nécessaires à la réparation. Marco s’installa donc chez lui et, minutieusement, pièce par pièce, démonta la comtoise pour en comprendre le silence. Mais il eut beau chercher, désassembler, réassembler, rien n’y fit. Alors, il eut l’idée de demander au comte de la reprendre pour voir s’il réussirait à résoudre ce mystère à distance, que ce soit en temps comme en kilomètres. Le comte y consentit. Marco repartit donc avec l’horloge et l’installa dans sa nouvelle maison, bien en place, à l’endroit le plus ensoleillé. Et bien, que vous le croyiez ou non, à midi, ce jour là, l’horloge fit à nouveau entendre son tic-tac joyeux. Le comte de Monte-Mario oublia jusqu’à l’existence même de cette dernière. Et Marco put vivre heureux, et ce, jusqu’à la fin de sa vie qui en était redevenue une.
Ici le cœur se charge de douceur dans la profondeur du silence. Ici les mots entrent et sortent librement. Ils ont retrouvé la grâce sauvage originelle et ont acquis la délicatesse des anges. Ici les yeux savent les merveilles de l’invisible. Ils laissent aller, tranquilles, les horizons pour le subtil. Ils laissent le temps imprimer l’âme.
Dans les commentaires de ma participation à l’agenda ironique de juin 2020, en réponse à Laurence, organisatrice du mois, j’évoquais l’idée de faire une suite à mon texte, intitulé « Dans le germe du silence », en laissant pousser tout un jardin naturel.
C’est une suite à laquelle je ne m’attendais pas, mais à l’image de la vie, l’écriture suit sa logique propre, aussi, j’ai laissé aller l’encre où il lui semblait bon d’aller.
Voici cette première suite qui a poussé d’elle-même.
Dans les pousses du silence
. La suite de : « Dans le germe du silence »
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La brouette prête une oreille attentive à la charrette qui se retrouve ainsi avec une oreille de plus entre les deux yeux.
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– Je vois.
– Ça fait quel effet ?
– Ben, un coton-tige de plus, des boucles d’oreille par trois, en fait par quatre, il n’existe pas de boucles à la Van Gogh.
– Mais encore ?
– Ce qui m’arrive est un peu différent.
– Un peu ?
– Beaucoup…
– C’est assez imprécis.
– J’entends en trois dimensions.
– Dans quel espace ?
– Encore innommé.
– C’est assez difficile à se représenter.
– Ce n’est pas un spectacle.
– Ni une pipe à la Magritte.
– Mais ça pousse dans tous les sens.
– Ça donne envie d’explorer, d’imaginer, de créer.
– Tout ça pour un son en trois dés ?
Les joueurs de Yam’s à la table d’à côté se retournent, les sourcils froncés.
– Chut, vous en faites un de ces boucan !
– Et puis c’est pas trois, mais cinq dés qu’on a pour jouer !
– Pffff, c’est dingue ce que les incompréhensions ont du bon. Je me vois mal porter une oreille de plus sur chaque joue !
– Pas grave, on n’a qu’à se pousser plus loin.
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La brouette fit signe à la charrette. Leurs roues se mirent à tourner. En ajustant leur vitesse respective, elles avancèrent de concert dans des grincements d’essieux à déboucher les perçants de cire d’abeille des tympans d’église. Elle a, au rez-de-chaussée, trois colonnes ioniques, et au premier étage, une galerie à plein cintre.
– C’est un concert de silence à cinq oreilles que nous venons de faire là !
– Tiens, ce serait donc une pousse d’oreille ?
– En mono, en stéréo et en ?
– Le récepteur n’est pas l’émetteur, mais pourquoi pas pentaréophonie, ou quinquaphonie ?
– Dis-moi la brouette, je me demandais comment nous pourrions entamer la discussion…
– J’ai cru que tu allais me parler du panier.
– ?
– Oui, celui pour aller cueillir les pissenlits.
– ??
(Dans une pousse de silence : Elle est bizarre cette charrette !)
– Je t’entends, j’ai une quinquaoreille, ne l’oublie pas !
– Bon, ok. C’est quoi c’t’histoire de panier à pissenlit ?
– Ben la fermière, elle va les ramasser avec un grand couteau.
– Oui, même qu’un jour, elle y est allée avec son fiancé. Et qu’est-ce qui lui a pris, à ce gus. Il s’est mis à lui faire peur en jouant du couteau avec elle, et elle en menait pas large. Lui, il s’amusait, enfin, pas tout à fait. Lui faire peur, c’était un peu pour lui montrer quelque chose qu’elle ne pouvait pas comprendre, ne sachant pas d’où la scène venait. Alors elle a pensé que la lame de la bascule vers la folie n’était pas si loin, et qu’elle devait s’en prémunir à l’avenir…
– Ah ! Le jeu de la pousse d’acier inox !
– Bouffer du pissenlit par la racine prématurément, je la préfère en salade.
– C’est là qu’intervient la sourde oreille ?
– Bein, pas tant que ça ! Une sourde-oreille fine comme comme une lame.
– Mais une fine lame douée d’oreille, c’est une épée ?
– Bah ! Cueillir des pissenlits avec une épée, fô voir…
– Un véritable feu d’artifice !!!
La suite est d’une toute autre nature, elle se glisse dans les espaces intersticiels, soit entre les lignes de l’écriture, soit entre ses lettres, dans les espaces entre elles, voire même dans la marge.
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L’écriture indéfinissable demande une connaissance étroite des codages de la psyché, ce qui n’est jamais aisé, car aucun écrit nulle part n’en fait état clairement, d’autant que son impossibilité d’expression écrite est une nature première. Aussi, l’approche se fait à travers de longues paraboles, des arrondis gravitationnaires évasifs aux cursives évanescentes, tout est dans la nuée et l’indicible.
L’exercice était de style, s’y mesurer n’est pas une affaire de mots, bien qu’il passe par eux.
Il s’agit de gingembrer sans discourir creusement, tout en maintenant l’éloignement de l’extinction à distance suffisamment effective pour que la lueur ne s’emballe pas dans ses propres fonds.
La règle des trois biais redresse sa fonction première, le calcanéum au prorata de l’espièglerie repeint la façade du triturage de la conscience étoilée du processus. La lettre n’est pas une loi immuable, elle est de première intention, puis de révision, puis d’élaboration particulière, puis elle se recrée dans la spirale d’un phénomène immanent, sans jamais s’égarer dans de quelconques bases de données primaires. Bien que sa racine gréco-latine plonge au cœur de la spacio-temporalité d’Eckhart, son courant d’art fouille l’humus de la vérité comme le ferait un lombric en terre sainte.
Le cours avait repris depuis une demi-heure lorsque le courant d’air fit claquer la porte du vasistas de la création. Un étudiant, épuisé par les révisions de la veille se réveilla en sursaut. Que se passe-t-il dans l’esprit de celui qui, tout embrumé par le sommeil, vient d’être tiré du magma de l’inconscience de façon brutale et fulgurante ? En un millionnième de seconde, c’est toute une vie de pensées enchevêtrée qui se manifeste au cœur du cerveau de l’étudiant en lettres. Et puis tout retombe, recouvert du voile de l’oubli. Comment faire pour éclairer ces milli-secondes de magistralité aiguë sans avoir à se tordre le cou pour aller y voir ? Sombrer dans le trou de son tréma par l’innocence qui risque sa peau en déchirant les couches successives de la fouille archéologique de la conscience ?
Bien, allons écrire cette lettre maintenant que nous détenons les règles grammaticales, organisationnelles, contenantielles, décortico-constitutionnellement parlant.
Bonne écriture à tous les étudiants de la formation..
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«— Pour sûr, fit Choukhov : le soleil est d’aplomb. — Si le soleil est d’aplomb, fit le commandant, il n’est pas midi, mais une heure. Ça épata Choukhov : — Pourquoi ? Tous les vieux te le diront : c’est à l’heure de midi que le soleil est à son plus haut. — Oui, fit le commandant, c’était vrai de leur temps. Mais, depuis, il y a eu un décret : le soleil, maintenant, atteint sa hauteur maximum à une heure. — Pas possible ? De qui qu’il est ce décret ? — Du pouvoir soviétique. »
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Dans le carré B du génôme secret, le gardien des angles se tient aux bois des A.
Le général C. (Covirus) lance une opération des sinus afin de contenir la propagande de l’usine à postillons qui fonctionne à plein rendement, et, le bistouri en goguette, il crève le pneu de la défense. L’événement à peine sorti du sommeil des presses, un agrume éternue de la vitamine C en pleine poire d’Hélène, la belle-fille du père Mömix, cracheuse de flamme. C’est pas perdu, puisque la chaleur réchauffa les pôles, les épaules, la poitrine et le cœur du changement d’heure.
Une prescription tombe. Elle se brise en mille miettes en tombant, se ramasse à la pelle à tarte, se remet debout, L’énoncé verbalisé est le suivant : Il est interdit d’éternuer.
Les contraventions tombent des nues sur les contravenants : Prenez vos anti-histaminiques Emile !
Voilà, tout ça pour dire que la nouvelle journée d’Yvettéanne Cyclopévitch va être bien remplie. Elle est chargée de décrire la vie dans le carré B du génôme secret, sous couvert du pseudo-anonyme d’Aluxiande Solgénizinzine, son grand-père.
Avec l’angle planté droit dans les yeux de son co-pilote de classe, le général C., elle va tenter de rédiger une synthèse divers-tangentée afin de rejoindre une vision à 360°.
C’est pas hypertherminettement plausible comme décor, mais le degré du vide central pose son mystère invisible, comment se fait-il que les plans planent aussi creux ?
L’architecture de l’opération, sinusitée par une ponte de graphiques à l’échelle de la perspective atmosphérique, semble ne jamais s’interroger sur les creux, mais attire l’attention sur les pleins, espaces équitables répartis entre les fondations de l’ensemble approprié retenu en son sein.
Qu’à cela n’interroge, personne n’émet la moindre hypothèse sur la chose absente, car aucune lumière ne la nommant, elle n’apparaît ni de près, ni de loin.
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. La vierge aux rochers de Leonard de Vinci (1483-1486)
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C’est de la berlingote de Savoie, ce truc, rumine allègrement le tryptique intermédiaire à l’occupation des sols. Entre A, B et C, règne un silence d’outre-centre. Le tic-tac pendulaire émet à espaces réguliers son son, résonnant comme une consonne, voyelle, consonne, voyelle.
Les lettres pleuvent et les mots les plus longs ne dépassent pas 23 heures dans la journée complète. Il manque une heure, se dit Yvettéanne Cyclopévitch, nous devons alerter les autorités suprêmes pour avoir les directives à suivre. Elle entame une part d’heure en se pourléchant les doigts sur lesquels coule une sauce minute riz.
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En adéquation.
Echassier en pleine rizière
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Première de couverture : Dring, le réveil sonne.
Un sommaire sommaire accueille l’angle occulot-visionnaire du pilote C.
Puis, la préface tourne son visage vers le cadran : M…E ! Il est déjà l’heure d’intuiter, radicalement parlant. Quelques lignes plus loin, le préfacier tourne septante fois le stylo dans l’encrier, émet un bruit de gargouilles, éructe profondément une tentacule de mimosatier, puis se rendort précautionneusement. On est sur un jour seigneurisé, faut pas déconner non plus, la messe, c’est à deezer, l’horloge peut bien intuiter de la minute en cadence, elle n’a qu’à aller se faire danser chez les russes une polka de la dernière apostasie.
Ensuite, on commence la journée rondement, par petites nuances d’atmosphère, afin de mettre en relief les lignes parallèles et les délier de la f@çon la plus douce et tendre qui soit.
Pour exemple, nous allons parallécréter que ce paysage peut magnifiquement bien illustrer le propos.
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En bleu et blanc
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Légèrement planérisé, le paysage évoque une distance relative ou absolue, selon l’approche que l’on s’en fait. Ici, les bleus évoquent à l’âme une nette sous-élévation dans un premier plan, par une ligne déchiquetée, coulée de neige éternelle mouchetée, parsemée de touches claires en cache-col.
Puis, les vagues successives berlingotent l’éloignement, chacune d’entre elle se dilue d’une blancheur directement perceptible à travers le prisme de son mariage doux au tableau formant ainsi une impression de pureté jamais atteinte jusqu’ici.
Soyons clairs, se dit la première vague. N’allons pas nous percher sur le cadavre cadencé d’un sous-sens caché, restons bien soigneusement en dehors de toute supposition fasciséee précautionneusement par les strates d’un terrain trop motusé.
Les votants n’iront pas aux urnes car le réceptacle est hors du champ de la courtoisie.
Justifier de son identité n’est pas seulement inconfortable, mais bien d’une approximation sans nom, puisque la connaissance du sujet à ce jour n’est en rien déterminée sur l’abysse du vide délié de ses pleins, soyons précis, compréhensibles, mais pas trop.
Le trop étant l’ennemi du juste, nous aurons, durant toute cette journée seigneurisée « électrinquement » l’occasion de creuser autour des lapsus de clavier une douve aussi profonde que possible afin d’éviter les échappements gazés jusqu’aux coups.
Yvettéanne Cyclopévitch tourne les pages, chapitre après chapitre, pour réinitialiser entièrement les pixels de l’imaginaire, afin de rester sur le flanc du côteau, sous la gravité éternelle des silences stellaires de la plus grande précaution d’usage du mot.
Il en va de son son consonnisé comme d’une canonisation voyellisée par l’étude du langage Mésopotamique illustré par une base soixante.
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L’angle du point de vie est ici :
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La mi-trente ayant programmé une pause standard, la flèche de l’éthique et du tact vient de sonner l’heure du bain. Nous vaquerons, durant une période diluée, autant dire, incertaine.
La mise en page est nouvelle, ou pas.
Faut bien s’occuper agréablement.
Inspirée par la lecture du texte de Gibulène, voici une nouvelle mouture proposée pour l’agenda ironique qui se tient chez Jacou33 ce mois-ci.
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L’histoire d’Henri IV, c’est selon !
C’est l’histoire d’un roi qu’à été occis au planter de poignard par le gueux le plus célèbre de France et de Navarre, qu’a fini éckartollé général de l’armée Suisse. Il en rit, l’Henri !
Remarque, l’avait qu’à pas prêcher le trétrasextilisme aussi, çuilà !
Ou le tétranombrilisme, ce qui n’est pâmieux.
Quatrain pour un roi, tous les rois pour la quatrainpéterie !
« C’est au moins du petit Suisse, si ce n’est du petit nègre,
Au moins du petit Suisse à vingt pour cent, ou du vinaigre blanc cristal huit,
Lui-même, parfois, ne sais-je pas où ils conduisent les mots.
Une conséquence de la « pétrique », à laquelle je n’ai pas encore
trouvé matière à répondre inintelligiblement sur mon blog…??? »
Peut-être est-il nécessaire de réécrire l’Apocalypse Now ?
Allonzy !
Yavait quatre cavaliers qu’étaient frères comme cochons de lait, qu’ont montés sur un canasson bruyant dont les tétranomdedieu m’échappent tant cette monture courut vite. Le coup de vent passa, les cavaliers virent un carrosse abandonné au bord d’un grand chemin.
La belle aubaine, qu’ils se disent, et vlan, ils découvrent à l’intérieur le cadavre mortuaire de l’henri 4, assis devant une poule au pot encore fumante des naseaux.
Vu qu’ils étaient apocalisptiquement corrects, ils décident de ne pas toucher à la poule au pot, mais cuisinèrent l’Henri des quatre fers en l’air pour qu’il leur donne son carrosse. L’Henri, qu’était pas tout à fait encore froid, leur tire une révérence de derrière les fagots, et va mourir un peu plus loin sous un arbre perché. Les quatre de L’Apocalypse, n’en tétrareviendront pas. Ils sont à ce jour portés appparus devant l’éternité avec pour fougueuse jument une poule sourde comme un pot qui n’en fit qu’à la tête de son bon couloir.
Voici donc l’histoire de l’Henri 4 fois grand-père du côté de sa mère, et tout autant du côté de son frère. Les quatre frères apocalyptiquement corrects sont enterrés du côté de chez Swann.
J’ai tétraentendu dire que les quatre voix qui émanent de mon clavier parlent tellement toutes en même temps qu’il est impossible de ne pas faire de tétralapsus, raison de plus pour en faire encore et encore, tétralogiquement parlant, suivant la raison avec laquelle Descartesfigues mis au raisin toute sa vie à nous la pourrir, belle réussite.
Yadéfoi j’les comprends plus d’elles-mêmes.
Tétra »P »tétra »f » !!!