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Archive for janvier 2021

Ecrit pour l’agenda ironique qui règne en maître chez carnetsparesseux, ici.




C’est par le réverbère de la cité lacustre que l’on y entre.
Ne me demandez pas comment j’ai réussi à y entrer, je n’en ai gardé aucun souvenir. Tout ce dont je me souviens, c’est d’avoir, alors que mes yeux étaient plongés dans l’obscurité la plus totale depuis plusieurs mois, été éblouie violemment par sa lumière au point que mes yeux se sont mis à pleurer pour en apaiser le feu. Lorsque mes paupières se sont relevées, je l’ai vue, comme dans un rêve, onduler au rythme des ondes parcourant l’eau limpide sous laquelle elle se tenait cachée.
La première pensée qui m’est venue à l’esprit c’est : – Tiens, je suis morte !
Mon corps était si léger que je ne le sentais presque plus. C’est le presque qui m’a fait douter. J’ai commencé à vouloir bouger mais mon corps refusait de se mouvoir.
Alors la deuxième pensée est arrivée : – Qu’est-ce que c’est que ce b….., nom de D… !!!
Jurai-je intérieurement.
C’est de la lumière stupéfiante, à n’en pas croire mon cerveau. Je suis épinglée sous l’eau, incapable de bouger, c’est quoi ce cirque !!!
Ah, c’est vrai, j’oubliais de me présenter. Tout le monde me connaît ici, mais peut-être pas vous, qui venez d’arriver par ce chemin paresseux conduisant du courant de l’ironie à l’encre et de l’encre à l’histoire.
Mon prénom, Cyclopédie.
Mon âge, trop vieille pour le connaître.
Mon boulot, raconter des histoires fumeuses pour enfants assagis par le temps.
Mais sous l’eau, la fumée, cette fois, ça n’allait pas être coton…
Donc, à la suite de la deuxième idée qui fut de jurer comme un charretier, me vint la troisième qui me conseilla d’ouvrir grand mes yeux pour regarder.
Vu que je ne pouvais faire que cela, c’est ce que je fis.
Fi donc ! Voilà Onésime qui arrive.
Lui, c’est un escargot. Il me tend une antenne d’un œil globuleux que je ne pu saisir vu ma paralysie. Je réussis à peine à articuler un borborygme inaudible censé vouloir dire bonjour.
– Te casse pas la tête, Cyclopédie, qu’il me dit ! T’inquiète ! Je t’ai reconnue. Mais que veux-tu, il faut bien qu’on s’assure que tout se passe bien ici. Des drôles, on en a vu, nous on veut la paix, c’est tout.
Et de son œil terminal à l’antenne gauche, il me dégoupille un jet d’encre sur les deux yeux en me disant : – Suis-moi !
Je retrouve l’usage de mes jambes, ce qui me permet d’avancer un pied, puis un autre. Tout va bien. Une quatrième pensée m’arrive direct plutôt côté sourde oreille, genre, je fais comme si je n’y avais même pas pensé. Onésime avance tranquillement, semblant glisser sans effort d’une avenue à une autre, sans se presser. Là, il se tourne vers moi avec son plus grand sourire. Oui, un escargot, ça sourit. Pour ceux qui ne l’auraient jamais vu et seraient tentés de ne pas y croire…
Nous venons d’arriver devant le palais lacustre. Je l’entend de l’intérieur s’adresser à moi en ces termes :
– Pour la quatrième pensée, te bile pas Cyclopédie, c’est comme si on y était. On n’a pas besoin de parler, ici. On s’entend bien, c’est tout !
Le palais est un peu envahi par la végétation, tout semble désert mais je sens des présences partout. Comme un fond de rumeur à peine perceptible. C’est la cinquième pensée qui m’alerte :
– Où sommes nous ?
Le pied d’Onésime pousse la porte qui, d’entrouverte, s’ouvre complètement.
– Regarde !
Entre deux colonnes, un nuage en forme de colombe s’envole en froufroutant des ailes pour venir se poser sur la coquille d’Onésime.
Là, je comprends que je suis dans une histoire. Rien n’est cohérent, réel, ce sera ma sixième pensée. Elle sera noire corbeau, si sombre que je retomberai dans un sommeil obscur et profond comme un puits.
A l’intérieur de mon rêve Onésime se penche sur moi, évanouie.
– Cyclopédie, rappelle-toi la quatrième pensée.
Je réfléchis. C’était laquelle déjà ?
Ah oui ! Ce que l’on ne connaît pas fait peur…
Voilà, c’est bizarre, étrange, déconcertant, et cela m’amènera à la septième pensée qui se formulera ainsi dans mon esprit.
– Entrer par le réverbère de la cité lacustre pour y recueillir sept pensées essentielles à la vie, c’est comme savoir regarder la mesure de son être au monde, autant dire, il faut savoir prendre son temps pour réussir le pari le plus fou que chaque être vivant rêve de vivre. La rencontre de l’inconnu, la part manquante.

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