
Ou presque !
Momo
Momo serait le meilleur ami de l’Homme, paraîtrait-il !
Mais dans quel ouvrage avais-je donc lu cet aphorisme ?
Bien que mes recherches sur internet furent fouillées, je ne réussis pas à identifier l’origine de cette retrouvaille. J’allais donc devoir mettre mes neurones à contribution. Il s’agissait de remonter la filière des souvenirs par la trace pour retrouver son auteur.
Or, parfois, une recherche précise nous offre son lot de découvertes imprévues.
Suivez le fil et vous allez comprendre.
Momo, le meilleur ami de l’homme, serait-il un être humain, un animal, une plante, la nature, un génie, ou encore un concept ?
Partir de quatre lettres pour réussir à comprendre une pensée d’auteur afin de l’identifier, puis aller répertorier tous ses livres pour retrouver celui-là même d’où était extrait l’aphorisme, c’était un vrai défi, que dis-je, un véritable challenge !
La lettre « M » sonnait sa cloche. Mariée à l’ « O », savourée plate, voilà bien de quoi satisfaire un palais subtil. J’avais connu des taste-eau à l’époque où le nuancier des sources constituait la bible des buveurs de whisky. Cette fois, il me semblait que l’eau mariée à la lettre « M » avait une qualité autre. Et que de fait, cette nouvelle approche ne pouvait se réduire à ces deux lettres qui, soit dit en passant, mises lettres à lettres constituaient à elles seules le mot « mot ».
Bref, arrivée à ce stade de ma mi-réflexion, nul mot ne serait comparable à lui-même. Un même mot n’aurait donc pas le même sens suivant sa prononciation, étais-je sur une piste rationnellement soutenable ou sur une impasse ?
Et bien il suffisait d’aller jusqu’au bout de ce raisonnement pour le savoir. En reprenant le début de la recherche, ce même mot mis mot à mot se renvoyait l’appareil de l’ascenseur. Un mot répondant à un autre, le dialogue était né.
Cela étant dit, puisque le mot se répondait par le mot, tout pouvait-il passer vraiment par les mots ?
Rien de moins sûr.
J’ai donc mis en place un dispositif expérimental pour tenter d’étayer mon propos par l’éprouvé.
Au milieu d’une pièce vide, j’ai placé une table, posé un mot dessus. Puis, me déplaçant dans toute la pièce sur un cercle tracé autour de la table et du mot, j’ai pu l’observer sous toutes ses facettes environnementales. Je l’ai ensuite retourné, (le mot), pour en voir le fond. Il ne restait plus qu’à accrocher un treuil au plafond pour aller observer le dessous placé maintenant dessus.
L’idée que l’intérieur du mot restait toujours invisible m’apparut alors clairement lorsque je me pris à penser que la surface du mot en question présentait par endroits quelques aspérités.
Il me fallait donc le découper. Avec une lame de bistouri, en incisant la surface visible, je me suis rendue compte que le mot que j’avais placé sur la table au centre de la pièce était creux. Je me suis alors fait la réflexion suivante : « ça ne m’étonne pas qu’il résonne autant ! ».
Pour autant, cette découverte ne me satisfit pas. Car plus j’en découvrais sur le mot, plus sa plénitude m’échappait. En creux, plus ce qui n’était pas dans le mot disparaissait, plus ce qui n’était pas dans le mot me semblait proche et présent, à portée d’être saisi.
Alors j’ai pris la pince à éprouvette et j’ai attrapé délicatement ce qui n’était pas à l’intérieur du mot pour le placer sous la lentille du microscope.
Cette fois, je ne vis rien de bien parlant, mais j’en découvris la substance.
Il y avait un fil, sur lequel j’ai tiré. C’était comme une bobine. Tout se déroulait dans la plus grande fluidité, sans pourtant indiquer de précisions concernant la consistance ou la solidité du déploiement. Il y eut bien quelques nœuds qu’il fallut dénouer, parfois une épaisseur passait, comme le condor passe, un petit supplément de langage apparaissait, un accent, une glose…
En fait, tout ceci n’avait mené à rien de vivant, le mot gisait, disséqué, morcelé, vidé de sa substance.
C’est là que le fil du vivant apparut.
En le suivant, ce fil conduisit exactement là où j’aurais du commencer.
Le mot était né d’une bouche.
La bouche faisait partie d’un être humain.
La substance du mot était relative à celui qui l’employait.
Et c’est exactement arrivée à ce stade de l’expérimentation que je me suis rendue compte qu’il me manquait encore le secret de la plénitude du mot.
Alors, Momo, le meilleur ami de l’Homme ?
En vérité, si ceux qui les manient aussi bien qu’Albert sont tous un peu nos amis, peu d’entre nous les manieront aussi bien qu’un chameau.
Le chameau, meilleur ami de la Femme ?
« Je n’essaierai pas de modifier rien de ce que je pense, ni rien de ce que vous pensez (pour autant que je puisse en juger) afin d’obtenir une conciliation qui nous serait agréable à tous. Au contraire, ce que j’ai envie de vous dire aujourd’hui, c’est que le monde a besoin de vrai dialogue, que le contraire du dialogue est aussi bien le mensonge que le silence, et qu’il n’y a donc de dialogue possible qu’entre des gens qui restent ce qu’ils sont et qui parlent vrai. »
Albert Camus