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Un bref éloge du temps
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Madame Bégonia descendait l’avenue de la Pinède lorsqu’elle aperçu monsieur Popples, dont le visage jovial affichait un large sourire.
Ils s’étaient connus sur les bancs de l’université, alors que retraités tous les deux, ils avaient suivi des cours de philosophie bergsonnienne.
Le temps ne s’arrange pas monsieur Popples !
– Comment voulez-vous qu’il s’arrange, madame Bégonia ? Sa tenue ne vous convient pas ?
– C’est que, voyez-vous, il n’est jamais là où l’on croit qu’il est. Regardez par exemple, l’autre jour, je le prends gentiment par la minute de vérité, et voilà qu’il me file entre les doigts comme une heure creuse, c’est assez déconcertant non ?
– Essayez plutôt de l’attraper par la dernière seconde. Peut-être déviderez-vous une journée entière.
– Oh ! Monsieur Popples ! Mais la dernière seconde, vous n’y pensez-pas !
– Vous avez raison, madame Bégonia, je n’y pense pas. Je pense à la première, celle qui précède la seconde.
– Vous êtes du côté du temps alors ?
– Pourquoi vous me dites cela, très chère ? Qu’est-ce qu’il y a de l’autre côté ?
– Vous voyez bien que vous n’êtes jamais là où je vous cherche, vous non plus !
– Madame Bégonia, je vais creuser l’heure pour l’agrandir un peu, combien voulez-vous que je mette de bonne heure dedans ?
– Je refuse de compter les heures, monsieur Popples !
– C’était pour vous aider à l’attraper.
– Qui ?
– Mais le temps, enfin !
– Mais enfin, monsieur, je ne veux pas l’attraper.
– Je ne vous comprends pas !
– Juste le trouver.
– Si vous passez d’une minute à l’autre, je peine à croire que vous trouviez le temps. Pas étonnant qu’il file en temps ordinaire. Par les temps qui courent, il s’agit de ralentir, sans perdre de temps. Il est urgent de prendre son temps.
– Bon ! Quand même, vous n’allez pas passer tout votre temps à creuser l’air du temps, j’ai un truc à faire, moi, monsieur !
– Creuser l’air, je n’y avais pas pensé. Avec une pelle à vent, un vide-ozone, une bêche à hydrogène ?
Et c’est quoi ce truc que vous allez faire, madame bégonia ?
– J’ai l’aïe qui me demande du temps.
– Mais vous êtes folle !?
– Oui, et alors ?
En même temps, monsieur Popples, je ne reculerai devant aucun défi, ne vous déplaise. Après tout, l’aïe n’est pas si douloureux, vous savez.
– Ce même temps concomite avec lequel, madame Bégonia ?
– En temps utile ou en temps don ?
– Vous en donnez beaucoup ?
– Monsieur Popples, si vous répondez à mes questions par une autre question, en un rien de temps, l’heure vient de se creuser d’un nouveau temps qui va me mettre en retard, je file.
– Vous dites que le temps file, et maintenant, c’est vous ?
– J’ajuste, monsieur.
– Madame Bégonia ?
– Oui monsieur Popples ?
– Si je vous dis que monsieur Popples a des yeux de framboises et se demande connaissance et contoise, vous en pensez quoi ?
– Vous parlez de vous comme d’un autre ?
– Je parle de moi comme de mois.
– Vous êtes combien d’années Popples ?
– Voyons… L’année lumière dernière étant la cadette…
Disons l’année en cours. Je suis inscrit sur celui du temps présent.
– Et cette année, vous suivez des cours de quoi, avec ce temps présent ?
– Pas des cours d’absence, nous sommes présents, c’est toujours un temps de gagné.
– Cette fois, il est temps, je dois y aller. Je vous souhaite une bien belle connaissance, monsieur Popples. Je dois rejoindre une femme que vous reconnaîtrez sans doute pour remonter le dossier de sa fin de temps jusqu’à son génie.
– Je suis curieux, madame Bégonia, de voir le temps à travers les yeux d’un génie féminin, car pour comprendre dans quels étranges chemins le temps dirige les êtres désignés comme tels par leurs contemporains, il s’agit d’attraper la petite racine de folie qui fait la différence. Belle connaissance aussi, madame Bégonia.
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Une ironie du sort
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(parmi tant d’autres passées inaperçues)
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« Vous qui entrez, laissez toute espérance ».
Dante
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Impossible d’écrire quoique ce soit. Il est là, penché sur mon épaule. Il ? Qui est-ce ? Ou plutôt qu’est-ce ?
Je n’en sais rien, mais je sais qu’il est là.
Cette présence accompagne chaque instant de ma vie depuis… Depuis… Depuis toujours peut-être. Mais depuis quand se manifeste-t-elle ?
Je la sens rôder, proche, dans les meubles qui craquent, dans les objets déplacés, égarés… Oh, si peu…
Je suis sûre que c’est lui.
Il avait cette force des surhommes, cette intraitabilité implacable que seuls les esprits de l’au-delà savent posséder.
D’ailleurs, oh combien je regrette de l’avoir aidé à faire cette porte.
Il m’a tout pris ! Et cette folle de mère qui, à travers moi, n’a rien su voir que sa propre folie, qu’elle me fait encore porter !
Les humains sont ainsi faits, ils ne veulent pas voir.
Pourquoi donc certains et pas d’autres ?
Lui, il savait. Moi, je voulais savoir.
A la naissance, sans doute, tout est déjà distribué.
Moi, il me disait que j’avais de l’or dans les mains. A cette époque, je ne l’avais pas encore mesuré. J’ai compris trop tard. L’amour ? Il ne servait qu’à ça. Sur le fil tendu au dessus de l’abysse, j’ai dansé. Jusqu’à la porte des enfers, jusqu’à lui. Le penseur, il est là, il la garde, sa porte, bien close. Ce que je ne savais pas, c’est qu’en la sculptant, j’y étais entrée, avec lui, mon maître.
Lui, il avait Rose pour le guider et l’en faire sortir.
Moi, j’ai eu ma mère pour m’y garder emprisonnée.
Je vais mourir bientôt.
C’est la guerre. Dans l’asile, la nourriture manque cruellement.
J’ai tellement maigri depuis que l’état nous a rationnés. Mes forces diminuent.
Les autres, je les vois errer, affamés, hagards, certains s’agitent parfois.
Alors ils arrivent, avec leurs blouses blanches, bien propres.
Eux, dehors, ils trouvent au marché noir ou dans la solidarité de quoi subvenir à leurs besoins.
Nous, les fous, enfermés entre les murs de l’asile, nous agonisons lentement de faim, sans bruit, nous mourrons d’extermination douce.
Personne ne s’intéresse à nous. Enfin, pas grand monde.
Les blouses blanches ?
Je le lis dans leurs yeux, ils ont honte, ils ont peur, ils ne veulent pas voir, ils ne savent pas quoi faire, alors ils ont mis un voile. C’est trop difficile sinon.
Et nous, on en crève.
Je vous fais mes adieux, Auguste, au bout de toutes ces années d’enfermement, alors que la vie me quitte.
Je vous ai aimé, mal, trop, mais il est tard. Et puis vous êtes déjà là-haut, avec elle, votre Rose, votre inconditionnelle compagne.
Adieu à tous sur cette terre de silence.
Ils disent que j’ai du génie.
Il disait que j’avais de l’or dans les mains.
Pourtant, même ma dépouille sera oubliée, mon corps finira dans la fosse commune de l’anonymat. Poussière d’étoile qui retourne à la terre.
Seules, mes créations me survivront.
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Camille Claudel
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la-porte-de-l-enfer – Auguste Rodin – 1880
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Edité le 8 Mars 2020, pour la journée de la femme, ainsi que pour l’agenda ironique qui va passer tout le mois ici même. Lien ci-dessous :
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L’Agenda Ïronique Etrange, L’AÏE de Mars, le mois des fous
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Quand un vent de folie souffle en permanence dans la tête, ça devient fluide, la preuve ! 😉
L’histoire est dans le vent, et la pelleteuse d’atmosphère pellette, tête en l’air, pour que les couches d’antépénultièmozone s’entassent jusqu’à couvrir la totalité du souffle, d’où ce sentiment de fluidité, le vent de folie glissant sur l’ensemble céleste sans heurts aucuns. Juste un cumul d’heures flottant au dessus du nid de courants d’air. C’est exactement cela, patchcath.
Un peu comme le principe de la fluidité des transports, mais avec une notion de dépassement. Un genre de Melchisédech avec seulement les bulles.
tout va bien ;p
Bon, alors si tout va bien ! Voilà une bien excellente nouvelle. Nous aurions remonté le génie des airs à la surface et apprivoisé la petite racine pour que son aveuglement ne vienne pas briser le fil du temps…
Merci Madame gibucargot.
bon trompage d’emoji 😀
Je n’ai pas réussi à trouver l’émoji correspondant à l’erreur d’épeltation de ton pseudo, escarlène. 🙂 😉
Je vais chercher…
je l’avais trouvé dans les émojis facebook mais il n’a pas fonctionné ! that’s life ! je regrette que sur les blogs des uns et des autres on ne puisse corriger nos propres commentaires en cas d’erreur, ça m’arrangerait parfois 😀
Euréka !
☔🐌🐌🐌🐌🐌🐸☂️🌂et 3 🦝🦝🦝
Merci pour Camille Claudel.
émotion, icôniennement émue, sans émoticône, et passe le temps de le chercher, là où il n’a pas de réelle existence; d’ailleurs sans framboise accueillie, que vaut-il donc, foin d’aiguille à meule.
Clairement rien, autant dire !
Je répondrai laconiquement à un tel brio en affirmant que : Cépafô !
L’icôniquement recevable, sans framboise ni trompette, n’est ou n’est pas, telle est la question… 🙂
[…] « Deux en un à l’agenda ironique de mars […]
Bon jour Jo,
Entre un « Bref éloge du temps » et « Une ironie du sort », le contraste est glaçant et le lien s’annonce s’amorce s’écrit … les deux personnages ne seraient-ils qu’Une seule personne au Génie d’en comprendre les rouages les ressorts le tout aux aiguillages huilés comme du papier à musique le métronome du dialogue se pique et se plaque à une esthétique d’un alliage qui s’offre à la lecture dont rien n’échappe à la raison qui sonne le tocsin et à contrecoup le glas quand à l’angle d’un couloir d’asile l’exil de la raison a toute sa tête à la pensée d’une encre qui ancre le temps à son mouroir de fait déclare à la vie la déshumanisation en son terreau à son souffle le magnétisme de l’œuvre s’incruste et cylindre sa tige d’acier aiguille qui pénètre la profondeur de l’âme en détresse et se corde une envie de disparaître au tournant de l’échelle asthmométrique le morbide se rit de la situation et montre sa disponibilité à l’évidence qui s’offre nue à la béatitude du moment sur l’autel de la déraison qui n’en croit pas ses neurones et conçoit à la lueur d’une luciole égarée sur la plante du temps rétrécit en compagnie d’une peau de chagrin qu’il est temps que ce tout se présente devant un spécialiste de la chose qui vient de tendre son haut de forme comme une comtoise … un mostrophiliste …
Max-Louis
Cher Max-Louis, c’est un fait. Cette entière et totale analyse de la ciguätion me convains. Je vais donc aller prendre la température à Camille Claudel, et je tiens informé sous son haut de forme le morphoproliste sans tarder. Toute la raison sans tête de liste n’a qu’à bien se tenir, puisqu’il s’agit ici d’un cas d’école, comme le dirait si bien notre sinistre de l’éduc’natte planquer… Quant à Madame Frédéthique Vidal, elle est pied au plancher devant sa tablette de chocolat électronique, priant tous les prions de la création de venir en soutien aux chercheurs de sonde à mesurer les état glaciaires des individus les plus à risques. C’est sous un comble que se mesure la hauteur de l’éxiloir, puisque le centimètre manquant a coûté la vie à Anne Planck, au delà du zéro juste avant le grand bigue de l’an banga, boisson dans laquelle pas trop d’eau ne circule sans papiers. J’entends d’ici les voix du peuple qui huent le dada hic de mon discours, mais je m’en contrepète de joie rien qu’à l’idée que le tournant de l’âge de raison ne fera jamais honneur aux constututionnellement convertis à la chose de départ dont vous citiez prodigieusement le sujet en milieu de réseaunance.
Soyez donc longuement remercié en sous-jascenterie par l’autel de la dérision.
Et si vous souhaitez connaître l’état d’honoré, rien qu’à la surface de peau vous en saurez tout le chagrain en la multipliant par l’hypothénus de son heure de naissance et de la latitude sous laquelle vit l’espace résiduel de sa création.
Je vous salue bien longitudinalement comme il convient entre co-confits loin de tout conflits.
Et vous souhaite de bien repuzzeler tous les morceaux de notre cher Frankenstein adoré. Avec toutes mes savoureuses amitiés d’écristalisées.
Madame Bégonia Popples Claudel Bougon
😉
Je minéralise de délice à vous lire … 🙂
C’est de source pure… 🙂 merci.
[…] . . https://jacou33.wordpress.com/2020/03/07/trop-dheroine-tue-le-heros/ . . https://jobougon.wordpress.com/2020/03/08/deux-en-un-a-lagenda-ironique-de-mars/ . . https://patchcath.wordpress.com/2020/03/13/jai-decide-de-tecrire-une-lettre/ . . […]
[…] y a çuilà de Jacou ; et de deux, Gibulène et çuici ; et de trois, Jacou derechef ! ; quatre, voilà Jobougon ; cinq, patchcath qui écrit ; et six, le retour de Jacou ; puis sept, bibi-moi-même ; et huit, […]
[…] . . 3 https://jacou33.wordpress.com/2020/03/07/trop-dheroine-tue-le-heros/ . . 4 https://jobougon.wordpress.com/2020/03/08/deux-en-un-a-lagenda-ironique-de-mars/ . . 5 https://patchcath.wordpress.com/2020/03/13/jai-decide-de-tecrire-une-lettre/ . . 6 […]