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Suite de « Dans les pousses du silence ».
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« De la fleur vous êtes la quintessence ».
Sophie Rostopchine « Les mémoires d’un âne ».
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L’âne des mémoires
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Dans la torpeur du soir qui s’annonçait caniculaire, les fleurs du jardin d’Alexandrie exhalaient leurs derniers arômes avant la nuit. Ce soir, aucune d’entre elles n’irait refermer ses pétales. Canis Alpha, la reine Siriusienne, avait prédit une nuit d’étoiles filantes.
La brouette remua faiblement ses poignées. Toute la journée, serrées par les mains caleuses des ouvriers, elles avaient été mises à contribution. Et puis, abandonnée au fond du jardin, enfin, elle pouvait détendre ses muscles endoloris par le dur labeur des transports de charges nécessaires à la construction.
La charrette était repartie, on ne sait où, ou bien était-elle rangée si précautionneusement qu’elle en était invisible.
Des milliers de sons ténus, frémissements, frissonnements d’ailes de grillons, craquements de brindilles sèches, frottements du feuillage dans la brise à peine perceptible, des milliers de sons ténus habitaient le silence. Quelques fleurs tournaient leur tête pour suivre le glissement d’un orvet ou le dépliement discret du crapaud assoupi. Toute la nature se prêtait à l’instant. La traversée des perséides s’annonçait turbulente.
Mortificat l’avait vu. En lisant dans les écorces d’arbres et en rapportant l’angle des branches sur la pierre du tombeau d’albâtre d’Alexandre le Grand, elle s’était rendue compte de la dysfonction. Plus rien ne correspondait à la règle de Rhodes. Alors elle avait su. La morsure du grand chien était inacceptable.
Mortificat levait les yeux lorsqu’un trait de lumière traversa le ciel.
Ni la brouette ni elle ne firent de vœu. Il était trop tard pour ça.
Les brancards de la brouette en fer blanc, Mortificat les avait mesurés suffisamment pour comprendre que l’usure des poignées ne se réparerait plus. D’ailleurs, la brouette avait su en faire si bon usage que c’était à se demander si telle n’était pas la vocation de cette dernière. Sous sa voûte crânienne se dessina alors une phrase en lettres de feu. « Il faut s’en servir… ». Ça remontait à tellement loin cette histoire.
Elle cessa donc de chercher à alléger le poids de l’hôte aux charges de pierre et se tourna résolument vers la splendeur du jardin. Près du tronc, une touffe bougeait. Un lièvre de l’été sans doute.
– Groin groin !
– Tu parles cochon maintenant ?
– Non, sanglier.
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Le parlé sanglier
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Mortificat, qui parlait le sanglier couramment comprit qu’il se passait quelque chose de délicat à entendre dans ce monde là. Elle aurait besoin de la charrette pour capter les tonalités les plus fines.
– Sais-tu où se trouve la charrette, je ne la vois plus ?
– Elle a du se planquer dans un coin, pour ronquer tout ce qu’elle sait.
– C’est quoi comme langage ce ronquer ?
– Elle n’en sait rien !
– Si tout ce qu’elle sait n’en sait rien, comment veux-tu qu’elle se rende compte qu’elle le sait ?
– Sait une bonne question !
– Laquelle ?
– C’est elle qui saura.
– Ou qui a su.
– Ou qui sait encore.
– Il manque quoi comme temps ?
– L’imparfait du subjonctif.
– C’est pas un peu passé ?
– Au niveau des couleurs ?
– Pffff ! Les fleurs dodelinèrent la tête d’un air compassé. Jamais elles ne comprendraient ces dialogues sans l’aide d’une encyclopédie vivante.
– Allons chercher Cyclopédie pour ce faire ! S’écria alors la brouette en s’ébrouant les deux brancards d’une oreille distraite.
– Arrêêêêêêête ! Elle va me prendre pour un lièvre !!!
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Le lièvre
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Bon jour Jo,
Je n’ai pas souvenir d’avoir lu la genèse de l’histoire et je prends en cours le déroulement me transportant ainsi dans un imaginaire qui me tient la main si ce n’est la vue par l’esprit de lire à comprendre ces mouvements entre le sanglier la brouette la fleur la charrette et une Mortificat qui mène l’enquête dirait-on …
Et je suis allé voir le mot : ronquer, bien au-delà du dictionnaire raisonné universel d’histoire naturelle du fameux Valmont-Bomare, c’est tout dire, même si je me suis retrouvé, selon l’expression : le bec dans l’eau, car le premier tome fait 666 pages pour la lettre A, c’est tout dire bis, voire bis repetita.
De fait, j’attends de découvrir une suite qui devrait en imposer comme je l’ai (lait ?) lu avec ce dialogue qui conjugue le temps du questionnement au temps qui se décale en décade …
Max-Louis entre la vigne et la bouteille
Bonsoir Max-Louis,
L’histoire de la genèse en page 658 croustille volontiers sur le mot d’évocation du caviste confirmé, entre le pressoir et les tonneaux, des Danaïdes, sans doute. C’est l’histoire d’une laitière de l’avenir, en dodécaphonie, sur une variation brouettée par les cheveux, dans la genèse de l’histoire.
Evidemment, tout ceci n’est pas très raisonné, ni raisiné d’ailleurs. Et l’enquête finira aux pieds de la lettre « S » après avoir fait le tour du paysage universel de l’histoire naturelle, c’est-à dire dans le fût.
Avec tout le respect de la lettre A soit-il,
Jobougon, qui siffle un petit verre de rouge sans sacrilège.
finie la quincaphonie ! la nature reprend le dessus.. mais cette brouette a une vie aussi trépidante que mon Onésime apparemment !
Dans la lenteur de l’aphonement et le quinquina de la progression, c’est complètement ça, à l’image d’un froment aussi falsilitateur que possible, c’est tout à fait ça. Et Dieu sait qu’elle bougonne devers cette nature naturelle, sans se presser.