Écrit pour l’agenda ironique de février 2024 hébergé cette fois chez Photonanie qui se presse, tel Beaumarchais, de rire de tout de peur d’être obligée d’en pleurer.
Il ne faut pas tuer la peau de l’ours avant de l’avoir vendue
Premier acte :
Dialogue entre deux chercheurs de l’institut du raisonnement mesuré de Palo Alto. (MRI)
– Ouh la ! C’est zeugmatique cette affaire là !
– Pas plus zeugmatique que pneumatique !
– Je comprends pas.
– C’est parce que l’on n’énonce clairement que ce que l’on comprend bien.
Deuxième acte :
Les mêmes chercheurs, au même endroit. Un autre arrive.
– Ouh la la ! Mais quelle tête vous faites !
– J’aimerais bien t’y voir, tiens !
– On ne fait plus rien…
Troisième acte :
Les trois mêmes, au même endroit.
Didascalie : Le dernier arrivé.
« Ils n’ont vraiment pas l’air heureux, faisons contre mauvaise fortune bon chœur. »
Puis, tout haut :
– Vous voulez que je vous déclame un poème de Léopoldine Plugo pour vous détendre ?
Les deux autres en chœur.
– Aller, vas-y, on t’écoute.
Poème
Sous un ponceau de mots la poésie frissonne,
La Boétie revêt l’épée du sardonique.
Fichtre ! Quel zeugme, nous avons du travail.
Après tout, quel esclave se moquerait de son drame !
Kathiso aux ciseaux découpe la phobie,
Remonte à la surface le plancton de folie.
Ah, quelle douce maldonne !
Quelle madone éplorée
Relève son regard d’une aube pathétique !
Ah l’ouvrage des ripailles,
La constance du brame !
La biche était salée
Comme un hareng poêlé
Où le faon s’affranchit
D’un lucide débris.
Bras ouverts flore et faune
Plongent au fond des poubelles.
Tiens ! Une boite de Saupiquet !
Mais quelle est sa querelle ?
Applaudissement du public. Les acteurs saluent.
L’auteur s’assoit juste à côté de la porte à la sortie pour qu’on le voit bien.
Un spectateur s’arrête.
– Monsieur, quel brio ! Mais quel rapport avec le titre ?
– Aucun, jeune homme. A moins que vous n’en trouviez un ?
fin
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