La clef magique
Martine est une petite fille heureuse, aimée de tous. C’est aussi une jeune fille curieuse de tout, d’apprendre, d’explorer. Elle vit dans le petit village perché sur la colline, avec des champs de fleurs et d’arbres fruitiers autour de la maison.
Demain, elle va avoir dix ans, et dans la cuisine, la bonne odeur de gâteau flotte agréablement. Sa mère est devant le grand fourneau, le tablier autour de la taille, et elle se fait une joie du repas de demain.
Martine l’observe qui remonte une mèche de cheveux sur son front, il fait chaud, elle va aller se rafraîchir dans le ruisseau qui court en bas du jardin.
Elle traverse le jardin en flânant, tout est tranquille, c’est l’été, les vacances.
Elle délace ses chaussures et se trempe les pieds dans l’eau fraîche.
A côté d’elle, la chatte blanche saute d’une branche où elle dormait et s’approche.
Tout à coup l’air tremble, un froissement de feuilles étrange résonne bizarrement à ses oreilles et elle entend une voix qui lui dit ceci :
– Martine, écoute-moi bien. Ce sont les esprits de la forêt qui m’envoient te dire tout cela.
Bizarre, Martine ne voit personne mais on dirait bien que cette petite chatte blanche lui parle. Elle se penche et lui demande.
– C’est toi Minette qui me parle ?
La petite chatte s’étire et, ouvrant la gueule, dévoilant de longues canines toutes blanches, se met à rire.
– Et bien oui, c’est moi. Je suis la messagère des esprits de la forêt.
Et la voilà partie à lui expliquer une histoire tout à fait étonnante que voici :
– Il existe un château merveilleux dans un pays lointain où dort une princesse. Cette pauvre princesse est très malade, et il faut, pour la guérir, une plante qui ne pousse que dans le pays des Elfes. Seule une jeune fille blonde habitant la campagne et ayant le cœur pur pourra rapporter cette plante qui aura le pouvoir de guérir cette princesse.
Martine n’en croyait pas ses oreilles. Ainsi, le monde peuplé de ses rêves était bien réalité. Elle savait depuis si longtemps qu’une aventure extraordinaire l’attendait.
– Et voilà pourquoi aujourd’hui, il faut que tu partes au plus vite. Je vais t’expliquer comment tu peux entrer au pays des Elfes. Suis-moi.
Martine, impressionnée et curieuse, décida de suivre la petite chatte blanche. Elle découvrit que le gros arbre touffu où dormait la petite chatte tout à l’heure était creux et que l’orifice faisait penser à une porte. Pourtant, depuis si longtemps, elle venait jouer là, elle ne l’avait jamais remarqué.
La porte s’est alors ouverte et Martine fit un pas.
– Mais dit-moi, Minette, comment saurais-je reconnaître cette plante ?
– Ne t’inquiète pas, tu le sauras en temps voulu.
La porte s’est refermée derrière elle et le silence s’est soudain fait entendre. C’est si différent de son jardin où l’eau chante joyeusement sur les cailloux. Ici tout est gris, triste, les arbres semblent abattus, et au loin elle peut voir le château de la princesse, mais il est vieux, abîmé, par endroit des pans de murs s’écroulent. Un croassement grinçant retentit dans l’air.
L’oiseau de mauvais augure vint se poser sur le gros rocher devant elle. Il se mit à ricaner.
– Alors, c’est toi, celle qui prétend sauver notre monde ?
Et dans un rire sardonique il ajoute.
– Tu es bien jeune et bien naïve.
Piquée au vif, Martine lui rétorque.
– Et alors, c’est bien connu, les petites filles dans les contes sauvent des mondes tout les jours.
Et elle se détourne du lugubre personnage que ce corbeau maléfique et se met à avancer en direction du château.
L’oiseau ricaneur reprit la parole pour lui dire ceci :
– Mais si tu n’écoute pas ce que je dois te dire, tu ne connaîtras jamais le secret.
– Le secret ? Quel secret ?
– Et bien, celui qui fera réussir ta quête.
– Et ce secret c’est quoi ? Lui demanda Martine.
– Ce secret est dans ton cœur, lui répondit l’oiseau, et il s’envola.
Forte de cette découverte, Martine reprit sa marche d’un pas vif.
« Et alors, ce n’est pas nouveau ! Rien de bien transcendant à ce secret. » Se dit-elle.
Et elle vit briller sous la roche au corbeau un objet étrangement miroitant.
Elle rebroussa chemin et se pencha.
Une clef ! Une magnifique clef en or !
Que pouvait bien ouvrir une aussi belle clef ?
Martine se penche, la ramasse, la met dans sa poche. Elle verra bien si cette clef lui est utile. Pour l’instant, il faut aller cueillir la plante magique.
Alors qu’elle arrive aux abords du château, après avoir longuement marché, elle arrive devant un pont qui semble prêt à s’écrouler. Un profond fossé empli d’eau entoure le château et c’est le seul chemin qui permet d’y entrer.
La princesse doit être là. C’est sûr. Elle en est convaincue.
Mais la plante ?
C’est alors que l’idée de la clef dans sa poche lui revint. Elle la sort, la regarde. Juste une clef en or. La regardant plus attentivement, elle remarque une inscription. « Souffle d’or »
Alors, elle se met à souffler sur la clef. Rien ne se produisit.
Derrière elle soudain le ricanement du corbeau retentit.
– Tu vois, je te l’avais bien dis. C’est dans ton cœur !
– Mais c’est une clef, quel rapport ? lui demanda-t-elle.
Mais déjà l’oiseau noir moqueur s’est envolé à tire d’ailes.
Faut-il donc qu’elle s’arrache le cœur ?
Non, il doit bien y avoir une explication logique !
Elle se penche à nouveau sur la clef et tressaillit.
L’inscription ! Ce n’est plus la même !
Maintenant elle peut lire : « Cheveux d’or »
Et soudain elle repense à Pierre, son amoureux de l’école, qui lui fait voler ses cheveux dorés et adore voir danser la lumière dans les boucles.
Alors elle secoue les cheveux sur la clef et le souffle ainsi créé vient caresser la clef.
Dans un vacarme épouvantable surgit de nulle part un gros éléphant rose.
– Qu’est-ce-que tu veux ?
– Je dois sauver la princesse en allant cueillir la plante qui va la guérir.
– Et alors, grogna l’éléphant rose. En quoi ça me concerne ?
– Je ne sais pas quelle plante ni quelle princesse, répondit Martine apeurée.
– Et bien ! Elle part mal cette histoire ! Il faut toujours que l’on vous mâche tout le travail, nous les génies !
Il lui montre du bout de la trompe une fleur jaune d’or un peu plus loin et lui ordonne d’aller la cueillir et de grimper ensuite sur son dos.
Martine, un peu effrayée, fit ce qu’il lui avait demandé. Une fois grimpée sur le dos de l’animal, celui-ci ouvrit grand ses oreilles et, battant l’air de toutes ses forces, se mit à voler.
Quel drôle de pays, se dit Martine.
L’éléphant atterrit avec souplesse sur la plus haute tour. La porte en bois lui permit de descendre les quelques marches menant à la chambre de la belle endormie. Là, elle déposa doucement la fleur jaune d’or sur les lèvres de la magnifique jeune femme qui dormait.
Et tout à coup, tout se mit à chanter autour d’elle. L’eau courante, le soleil, l’air, les oiseaux, tout bruissait, chuchotait. Elle était revenue au bord du cours d’eau au fond de son jardin. A ses pieds, la petite chatte blanche s’étirait langoureusement d’un air ravi.
– Merci. Lui dit-elle. Cette aventure t’a semblé facile car tu étais la seule qui pouvait venir en aide à cette pauvre princesse. Ecoute dans le vent comme son pays est en liesse maintenant.
Elle sauta d’un bond derrière l’arbre et disparut.
Martine se retrouvait seule et soudain elle comprit. Toute cette aventure était magique mais ce qui comptait encore plus, c’est que, où qu’elle soit, quels que soient les personnages étranges qu’elle croiserait dans son existence, elle garderait confiance, car finalement l’aide la plus précieuse est toujours offerte à ceux qui gardent le cœur pur.
Et cette précieuse vérité suffit à la remplir de joie.