.
.
.
.
Cette semaine, nous allons étudier un tableau de Frédérique Mozières, peint en 1515 sous l’impulsion d’une forte intuition, et annonçant à l’artiste que le plus grand roi que ne connaîtrait jamais l’humanité allait instaurer une ère de paix et de prospérité.
Fille du pasteur Joseph Meister, Frédérique Mozières débuta sa carrière de peintre sous le regard en trompe-l’oeil du troupeau de son père. Sa mère était morte en couches, elle mettait son goût de la peinture sur le fait que les couches successives venaient remplir la fonction nourricière de celle qu’elle ne connu jamais que par les rares dires de son père.
Ce tableau fait écho à la révolution qu’elle fut amenée à vivre lorsqu’elle-même attendit un enfant. Elle l’intitula donc, « les couches de la confinité ».
Car oui, elle aborderait, à travers la représentation du mythe de la chute d’Icare, les confins de ce qu’elle croyait être, un monde construit à l’image de ce que, durant son enfance, son entourage lui avait enseigné.
.
.
.
.
Observons comment le soc du laboureur découpe les couches successives de terre en longues lanières parallèles figurant la multiplication à l’infini des gestes répétitifs d’un savoir-faire ancestral, retournant et aérant la terre pour favoriser la germination des graines à semer.
Ainsi la vie, créée par le labeur de l’homme peut naître et croître, jusqu’à la récolte qui permettra de nourrir des familles entières pendant plusieurs mois.
.
.
.
.
En bordure du champ, le berger fait paître son troupeau. Il ne semble pas préoccupé par ce que fait le laboureur. Par contre, veilleur pastoral, il scrute attentivement le ciel, comme en attente d’une bonne nouvelle.
Et c’est là où le tableau devient LE langage.
Car comment ne pas remarquer que d’un côté, il y a celui qui trime comme un galérien, poussant, tirant la charrue, huant le bon percheron, ahanant sous l’effort, et de l’autre, le pas léger du berger flânant et humant les parfums dans l’air, attentif aux petits signes d’en haut, comme en attente de ce qui pourrait apparaître d’un instant à l’autre. Visions fugaces et évanescentes d’on ne sait quelles vibrations, telle la mitochondrie originelle.
A ses côtés, le chien veille. Il sait exactement où se trouve chacun des moutons qui constituent le troupeau. Il sait et il veille. C’est tout.
Tout le reste n’est que décor pour la scène. La mascarade du château dans la mer n’est là que pour rappeler combien tout n’est qu’apparence. Qui aurait jamais eu l’idée d’aller construire un château en pleine mer ?
.
.
.
.
Il n’empêche qu’au bord, un pêcheur lance ses appâts et n’en croit pas ses yeux, jargonnant de surprise un « keskecébo ! » devant le spectacle de l’homme qui s’extrait des flot bleus, là, juste devant lui. Mais que fait cet oiseau dodu posé sur la branche, juste derrière lui ?
.
.
.
.
Nous pouvons imaginer que cet instant de grâce qu’est la maternité pour l’artiste fait naître des eaux cet homme qui, bien qu’entouré de plumes et comme chutant du fond du ciel, va chuter du centre de la terre et sortir de l’eau primordiale pour aller se revêtir, tel l’oiseau perdrix de la branche, des plumes que l’ange lui envoie pour couvrir sa nudité.
Nous comprenons mieux maintenant ce que cherche des yeux le berger qui a humé la présence de l’ange.
.
.
.
.
Nous sommes en 1515, et Frédérique Mozières peint là son tableau le plus prophétique.
Un roi va naître et elle le sait, elle le sent.
C’est l’année de l’arrivée de François premier, qui devint au cours de son règne le roi défenseur des lettres et des arts. Un roi de bonté et de connaissance. Un roi qui sut soigner la culture et accompagner la renaissance de toute sa force Herculéenne.
Un roi dont il se dit qu’il fut aussi le plus grand guerrier de son siècle, alors qu’il n’eut jamais que l’intelligence d’oeuvrer dans un monde en prise avec les enjeux du pouvoir et de la conquête.
Pour ce bon roi, la fin justifia les moyens.
Et s’il devait rajouter une couche de plus à son portrait, il dirait ceci.
Il n’y a que celui qui ne fait rien qui ne se trompe pas !!!
.
.
.
.
Ce signe que le berger cherche n’est ni dans le ciel, ni dans la mer.
Le tableau nous rappelle que chercher n’est pas trouver.
Car si l’observateur à l’esprit bien aiguisé remarque la silhouette de l’oiseau dans les feuillages, c’est que la colombe n’arrive que lorsqu’elle-même ne cherche plus à se cacher.
.
.
.
.
Le gâteau de mots
.
Cuisiner les mots n’est jamais une mince affaire, nous avons souvent droit à de multiples couches ou sous-couches de sens qui partent parfois dans des directions tellement différentes qu’on pourrait bien être tentés d’en perdre le sens. Et pourtant, écoutez bien de quelle recette ancestrale ce gâteau revint, ou jaillit, vous le déterminerez vous-même.
.
Ingrédients :
Une tasse de verbes
Une dose d’attribut
Les sujets
Un complément d’objet direct.
Ponctuation et accents.
.
Les étapes :
Pour réaliser le mélange, utilisez un bol de grande taille ou un saladier, une cuillère en bois, vos main ou une fourchette.
Versez une tasse de verbes. Y incorporer les attributs et les sujets que vous mélangerez délicatement. Cela va donner des verbattributs du sujet.
Entreposez au frais quelques heures sur une feuille de papier sulfurisé.
Ça lève ?
Adjectivez d’un complément d’objet direct.
Dorez l’ensemble au pinceau, avec un mélange de points, de virgules, d’exclamations ou d’accents aussi graves que circonflexes. A ce stade de la recette, ne trématisez pas trop avant d’enfourner pour une cuisson selon votre goût. Vous règlerez le temps de cuisson en fonction de la température de la source de chaleur.
Sortez du four. Dégustez encore tiède. Accompagné d’une crème de syntaxe aromatisée à la sémantique.
.
.
.
.
Ecrit pour l’agenda ironique de mai 2020 qui vagabonde chez Jean-Pierre Lacombe tout le mois. Blog des Arts et des Mots.