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Archive for décembre 2023

J’aime bien aller à la chasse. L’autre jour, j’étais en train de pister une virgule polaire, lorsque je me surpris à grimper au mât de l’exclamation. C’est en faisant le tour du point à 360° que mes yeux se sont posés sur un nid d’astérisques.
J’allais en faire l’inventaire lorsque la virgule polaire est venue s’y percher, éclairant de sa biffure le repaire d’étoiles.
C’est là que je me suis dit : Le plus beau cadeau que puisse me faire la ponctuation, c’est bien de m’offrir le point de vue nécessaire à la compréhension de la nature polaire en me guidant vers la chaleur du nid.
Les philosœufs de la ponctuation recèlent bien des surprises.
Or, il s’avère que ce jour là, une virgule dissidente se glissa sous l’aile d’un échassier bleu.
Ça devait le grattouiller car je l’ai vu se tordre le cou pour aller voir entre ses plumes en grommelant :
– Qu’est-ce que c’est que cette cédille dermique qui serpente sous mon duvet ?
Moi, une cédille, s’étonna la virgule. Quelle vexation !
Si mon arrondi se griffe d’un mouvement de fraction, le bout de ma baguette va lui montrer comment je me passe de lettre pour être, non mais !
Et elle lui donne un coup de pointe d’un talon vigoureux.
Le héron au long bec pince l’intrus signalé par piqûre et l’extrait de son plumage.
– Va donc faire ton travail d’hameçon plus bas, hua l’animal sans desserrer le bec. Puis il laissa tomber la virgule dans l’eau.
La dissidente savait nager.
Elle suivit le courant jusqu’à la berge.
Intrigués, les poissons oisifs la suivaient parfois, mais sans appâts, que ce soit virgule, cédille ou hameçon, cette petite giclette d’encre ne présentait aucun intérêt, si ce n’est celle de la curiosité, n’en ayant jamais vu de leur vie*.
C’est leste, une virgule ; arrivée près du bord, d’une légère contraction, elle réalisa un saut de puce digne, se posa sur la berge et sécha sa couleur au soleil.
A deux pattes de moustique de là, un point l’observait.
Ça faisait tellement longtemps qu’il était en rupture de texte que la vue de l’arrivante lui rappela bien des souvenirs. Celle de l’échappée finale d’un drame littéraire, lorsque fatigué des dénouements sombres il avait fugué du roman.
En tant que point final de l’histoire, l’évasion s’était avérée facile.
Lors d’une promenade narrative, il s’était glissé silencieusement sur la tranche du livre et, prenant tout son élan par les bois, avait attrapé une aigrette de pissenlit qui voletait dans les airs pour aller rouler du point entre les galets d’atterrissage.
Depuis, ramassé en un tout petit centre, il observait et découvrait, émerveillé, toute l’activité vivante et vibrante de l’étang.
Alors, voir arriver une virgule, vous pensez bien l’inconcevable d’une telle situation.
C’est tout un lyrisme qui déferlait avec elle.
Il allait devoir s’extraire à nouveau pour retrouver le présent et son réel poétique.
Mais qu’était-elle donc venue faire loin de toute intrigue littéraire ?
Était-ce le signe de ponctuation annonçant la respiration, l’espace du silence, l’interruption volontaire de la phrase naturelle ?
Les freins au vertige d’élocution sont si nécessaires au calme que le point en venait à s’interroger soudain sur l’effervescence environnementale.
Qu’est-ce qu’une virgule, décollée de la dernière lettre du mot qui la précède, allait bien pouvoir insuffler dans sa vie contemplative ?
Heureusement que toutes les ponctuations du patrimoine écrit ne projetaient pas de se réunir en ce lieu, le paysage en prendrait un sacré coup d’ombrage, pensa-t-il.
Vous imaginez le genre ?
,,, ;; ! … : ? () [ ] « » / .
Un vrai cacophonage. Une vraie siphonation typographique.
Pendant ce temps, une fois toute l’eau de ses rondeurs évaporée, la virgule balaya du regard les alentours. Quelqu’un l’observait. Une sensation très particulière lui indiquait.
Devait-elle s’inquiéter ? Existait-il des prédateurs à virgules en ces contrées inconnues ?
Elle saisit son courage à deux extrémités et tenta le point d’interrogation.
– Il y a quelqu’un ?
Silence.
– Ne faites pas comme si il n’y avait personne ! Je sens bien qu’on me regarde.
– Salut.
– Ah ! Je le savais bien !
– Tu viens de quel roman ?
– D’un recueil de poèmes, et toi ?
– D’Hamlet.
– Purée !
– C’est ça… C’est quoi ton poème ?
– Liberté, d’Eluard.
– Impossible. Il n’a aucune ponctuation.
– Je sais. C’est une erreur des éditions de minuit. C’est bien pour ça que j’ai pris la tangente, ils voulaient m’éliminer. Et toi, tu t’es tiré d’Hamlet pour quelle raison ?
– Bah, j’étais le point final. Il y avait tellement de morts, ça m’a déprimé sec. J’ai même eu peur de tomber raide. Alors, je me suis jeté hors du livre et j’ai roulé. Tu me vois, d’ici ?
– Bein, ça va mieux. Tout à l’heure tu étais tellement plus… Disons… Concentré.
– Je me demandais quel impact tu allais avoir dans cet environnement.
– Le silence du souffle, en toute logique.
– Ici, la logique change. En tant que point de fin, j’étais condamné à me taire à jamais.
– Et moi, à reprendre mon souffle.
– Et si on s’associait ?
– Nous ferions un sacré beau point-virgule !
– C’est tellement plus équilibré…


* Jusqu’à 40 ans pour un poisson rouge : https://www.peuple-animal.com/la-longvit-des-poissons/

Joyeux Noël à tous.
Amoureux des glyphes et de la nature inclus.

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Je vous écris une lettre de Noël sur le modèle de notre dernière proposition d’écriture, sans déterminer de quel endroit elle vient, car telle la méduse, tu lui coupes un bras il repousse un bouquet d’idées toutes plus folles les unes que les autres.
C’est comme ça qu’un héros baraqué à la Arnold Schwarzenegger, pris dans la lumière vespérale d’un jour solsticial, pourquoi faire simple quand on peut faire plus simple encore, goûta le fruit ensorcelé de la forêt magique et se retrouva loup-garou, tout sens décuplés.
Au dessus de lui veillaient deux lunes.
L’une, blanche, éclairait de sa face blafarde la pilosité de la bête aux crocs luisants pendant que l’autre, noire, tentait de cacher dans l’ombre épaisse le rictus affamé de l’animal.
Lycanthrope riait sous cape. Tout ça, c’étaient des histoires de conteur pour caser leurs ventes au mètre ruban de la corporation des mémoires buissonnières.
N’empêche que l’une, la blanche, qui se prénommait Lune, savait combien de pauvres bergers s’étaient fait dévorer, pendant que l’autre, la noire, prénommée Lautre, cachait ces morts que l’on ne saurait voir.
D’ailleurs, le premier mort, élu roi du monde des trépassés, grand péroreur de la première heure, tenait un débat négationniste sur le lycanthrope quand celui-ci débarqua sans guipure ni trompette pour l’avaler tout rond.
Il fallait bien prouver son existence, tout de même !
Les autres trépassés, témoins de l’extravagante absurdité d’un tel évènement, durent élire un nouveau roi. C’est comme ça qu’arriva la démocratie dans le royaume des morts.
Pour ne pas surenchérir, une loi interdisant tout débat négationniste constitua la base du code des défunts décédés. Qui fut baptisé plus tard « livre des mormorts ».
Lorsque l’existence d’un tel ouvrage parvint à la connaissance des vivants, une confusion fit naître les croque-morts. Corps de métier qui consistait à croquer l’orteil du cadavre pour s’assurer de son état de macchabée. Soit : « Mordre le mort par la racine ».
Et Juliette dans tout ça ?
Elle cherchait Roméo dans le royaume des décédés et, mortifiée par son erreur de jugement lors de l’absorption du poison de Roméo, cherchait à retrouver son amour perdu.
Sauf que lycanthrope, doté d’une vue perçante, s’était vu en reflet dans le visage de Lautre, et que, défunt bien malgré lui, il avait croqué dans le Roméo mort et s’était empoisonné avec, l’emportant avec lui dans le monde des sous-morts.
L’actualité brûlante servit la nouvelle à Juliette. Scandalisée, elle s’adressa à l’auteur de cette dinguerie en lui jetant ces mots poliment à la façade : « Ferme ta gueule !».
Bon, c’est pas tout ça mais ça fait 24 jours que j’écris, rétorqua l’auteur, alors, si la mémoire est comme le dessus d’une cheminée pleine de bibelots qu’il sied de ne pas casser, mais qu’on ne voit plus, vous n’avez qu’à ouvrir les yeux et regarder VRAIMENT.
Joyeux Noël et bon bout d’an.
Moi, je pars en voyage.
Tchao et à l’an prochain.

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Peau de bois brut



Mon œil me fait un petit clin d’œil à la lecture. Elle écrit « beau bois brut » et j’y lis « peau de bois brut », mon œil est pétillant ce matin. Que dirait Freud d’un tel lapsus ?
Une théorie à la Sigmund à proposer, mon œil ?
Oui, me répond-il !
La description étant celle d’une table, le présage est clair. Ton père était charpentier et la première ébauche d’habitation selon Vitruve commence en plantant des fourches puis, entrelaçant des branches et remplissant les interstices de glaise, des peaux venaient recouvrir le tout.
C’est la mémoire décomplexée qui fleure bon le retour à l’essentiel.
La table étant celle de la loi divine, il y a tout lieu de penser que ce lapsus est hautement symbolique, avec un retour aux sources de l’être. C’est donc un accord entre la culture, la source, la nourriture et la construction qui signe le parchemin de peau que l’arbre de la connaissance représente. Toute l’harmonie est en voie de devenir dans l’ossature de la pensée. Il s’agit de construire la maison de l’écriture avec l’assemblage des mots en branchages de phrases puis de souder le treillis à l’enduit de la bonté et de la recouvrir d’une peau de douceur pour que la lecture gagne le cœur de celui qui parcourra le texte pour y retrouver l’ossature du logis.
Mon œil Sigmund se dépasse. Il avance plus vite que mon cerveau, à la vitesse de la lumière, mes neurones de cerveau lent s’inscrivent dans une temporalité plus longue, s’élancent, s’étirent, bondissant avec nonchalance dans un déroulement doux de logique patiente.
Alors arrive la lumière, l’autre, celle de la conscience, celle de l’intérieur.
C’est l’éclairage du foyer, la douce chaleur du cœur de l’ouvrage.
Et la lumière fut.
J’aime cette lumière intemporelle qui ne dépend d’aucune vitesse, arrive à son heure, inconnaissable, imprévisible. Cette flamme de l’âme qui ne brûle rien, porte la vie à son sommet.
Une flamme de plénitude.



La muse s’amuse

Dans sa peau de bois brut,
L’arbre craque.
On l’entend de si loin
Que des pentes abruptes
Dévalent les eaux du lac
Pour en être témoins.
Toutes les plantes se tournent
Du côté de son bruit.
L’oiseau, le nid, la mousse
Devinent bien ce qu’il dit.
La forêt en silence
Recueille en souterrain
La force et la puissance
Qu’il recevra demain.
Tout un monde aux aguets
Comprend l’œuvre en action.
La mue est au complet
Bientôt la gestation
Fera place à l’enfant
Qui fait craquer le bois.
Cet arbre est-il du temps ?
C’est la toute première fois
Qu’un arbre va accoucher
D’une pendule de clocher.
Même le coq s’est tourné
Vers l’enfant annoncé
Et l’arbre craque encore
Je crois que l’enfant sort.
L’ampoule s’est allumée.
Le bois de l’arbre en clef
Émet ses perles d’huile.
Une âme s’allume et brille.

Quel titre pour un poème, quel en-tête proposer,
Quand il n’est rien dedans qui veuille le signifier ?
C’est bien là que s’arrête la recherche du poète.
Car il doit s’effacer, laisser aller ses lettres,
Vers on ne sait quelle vie, dessein d’autonomie.
Adieu je vous aimais, vers et divers écrits,
Quel titre, m’est bien égal
Pour des vers si bancals.
Mon œil et son lapsus,
Ont amusé la muse,
Osé le conatus,
Sans autre mot d’excuse.
Ah votre hypoténuse
N’a ni coutumes ni us.
Jouée par toutes nos ruses
L’écriture en motus
Se rit de tant de vide
Que son plein intimide.
L’insecte au bénitier,
Les gros œufs de clocher…




http://www.infobretagne.com/horloge-astronomique-strasbourg.htm

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