La virgule était de taille à effarer le plus courageux, ça zigzaguait dans les coursives. Une lame plombée montant des fonds sous-marins prétendait vouloir zinguer la carrosserie du vaisseau un peu spécial, les ailes des mouettes rieuses s’étaient recouvertes de points de suspension, les laissant suspendues, immobiles, au dessus de la surface de l’eau. Toute la croisière s’affolait. Fallait-il changer le cap, monter les voiles en direction de l’île la plus proche ?
Ils en décidèrent ainsi, cueillant une à une les mouettes suspendues, traînant dans leur sillage les immobilismes les plus récalcitrants, et finissant par mouiller l’ancre dans la baie des points d’interrogation, sur l’île aux mouettes du grand aventurier répondant au nom de Pierre-Henri Sciortino.
L’équipage ne cachait pas son agacement. La rumeur collait à la carlingue, ils avaient embarqué en direction d’une parenthèse, dont la publicité miroitait un espace de détente, et les voilà contraints à une escale imprévue en compagnie d’un introspectif perdu au milieu de l’océan.
En même temps, ils réalisaient leur chance d’avoir échappé au plomb douteux des détritus virguleux, émettant l’hypothèse suivante : S’il y avait eu un point sur la virgule, ils seraient déjà tous précipités six milles sous mer, à se faire bouffer les tripes et pieds paquets par les anémones alanguies des sols de corailleux. Décor d’outre fonds, ils l’avaient échappé belle !
C’est donc râlant, tempêtant, rouméguant, rouspétant qu’ils débarquèrent en masse sur l’île aux mouettes immobiles, à détacher un à un les points de suspension des ailes de ces volatiles bavards, qui reprirent ensuite leur activité de plus belle.
Finalement content d’eux d’avoir accompli une B.A. Au milieu de rien, et décidant qu’ils feraient contre mauvaise fortune bonne figure, et en profiteraient pour s’octroyer cet espace de détente, à pêcher un peu, accessoirement chasser le sanglier dont les traces nombreuses auguraient d’une abondante pitance.
Un petit séjour sur une île était toujours bon à prendre. C’est ainsi qu’ils s’équipèrent de slashs, de guillemets, s’apostrophant au passage de noms d’oiseaux, histoire d’égayer l’assemblée. Le capitaine avait fait provision de tirets, ce qui lui permit de tirer la conclusion suivante. De toute situation imprévue naît toujours une expérience nouvelle. A voir le bon côté des choses, au moins, on se donne toutes les bonnes raisons d’en être heureux. Les plus critiques finirent par en convenir. Fut donc désigné un scribe pour prendre note de tout détail de leur métamésaventure. Le groupe s’était rassemblé autour de l’idée de survie, sans omettre la question de la découverte plaisir. Ainsi la vague plombée avait été l’occasion de réfléchir, se mettre d’accord, et d’œuvrer dans la même direction.
Une fois le danger écarté, la croisière reprendrait, avec en prime ce souvenir unique, celui d’un épisode à la complicité intégraale.
L’île aux mouettes
26 octobre 2015 par jobougon
Aaaah, je m’évanouis dans les plates bandes des points de suspension tellement c’est bien tourné cette histoire de ponctuation maritime au milieu des mouettes esperluettes. Bon ! je me calme, c’est mauvais pour ma tension mais quand même, elle est forte, celle-là ! Qu’est-ce que j’ai dit ? J’ai dit, elle est forte celle-là et point final momentané.
J’avoue être restée suspendue à ton commentaire, Anne, avec une impression de double virgule gratifiante, un gonflement de rire irrépressible, fameuse vague…
J’ai un bouton de rose juvénile qui pousse sur le bout de mon nez, tu vois le tu est de rigueur.
😀 😉
Sur le bout du nez ? Je préconise une crème d’urgence au rutabaga bio voire au panais panaris. C’est cher. Mais efficace.
C’est qu’il est urgent d’avoir un bio nez avec un bouton de rose pareil, je me demandais si la moutarde bio aurait le même effet, ou encore l’engrais atomique experluettisé, mais je retiens le conseil. Y-a-t-il prescription ? 😉
Un capitaine armé de tirets?
Un pirate eut pris une espingole…
Ce marin était-il bênet ?
Moi, je m’arme d’une esperlette,
Je compends qu’on en rigole,
Telles est de rire contournée.
Je la tiens d’un certain Tiron,
Secrétaire latin dont l’habileté
Fit le bonheur de Cicéron…
En fait, comment va le bouton…
Hervé.
J’esperlette bien qu’il n’y aura pas de mort, ce n’est jamais bien drôle les guerres, les armes. Est-ce benêt que de préférer le pacifisme ? Le bouton grossit à vue de nez, rien n’arrête sa progression. Placé à cet endroit, il va falloir opérer. Je me demandais si Tiron ou Cicéron seront en mesure de m’aider… Ce pauvre Cicéron, quelle fin tragique.
Et encore, ces passagers ont échappé aux dièses rugissants et aux tornades d’arobases, sans oublier les déprimants trémas sous les astérisques fatidiques. Sinon, je ne donnais pas une livre de leur peau qu’elle soit de qualité inférieure ou supérieure! Ils peuvent donc soupirer de soulagement en se donnant l’accolade.
Oh ! Magnifique ! Imagine des dièses rugissants de plaisir, des tempêtes d’arobases en pluie d’étoiles, et puis des trémas bleus hauts dans le ciel, des astérisques brillants comme des soleils… et l’île devient un paradis en accolades d’explosions de joies. Belle découverte que cette île mystérieuse non ?
Des bises Mme LeO
hé, j’avais raté ça !! j’aime beaucoup !
Voyage à l’intérieur d’une introspection active… Merci carnet.