mais auxquelles elle a répondu, tout en sollicitant ses amis écrevistes pour en faire de même.
A propos de l’écriture :
1 – Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Elles sont sur les étiquettes, celles des boites de sucre ou de conserves par exemple…
Non, ce n’est pas une plaisanterie. Enfin, presque pas. Enfin, peut-être. Enfin si. Mais j’ai entendu un jour dire des enfants qu’il apprennent à lire sur ces mêmes étiquettes, alors étant encore une grande enfant dans l’âme, j’avais envie d’utiliser cet argument pour le faire valoir.
Par exemple, je prends une boite, je lis ce qu’il y a marqué dessus. Ici, « Ananas en branches au sirop léger ». Evidemment, ce sont des tranches, pas des branches. Comme j’ai envie de jouer de la déformation, je note branche. Je visualise alors les branches, visiblement originaires du Kenya. (C’est marqué sur la boite). Je l’imagine avec des singes dessus, c’est la région, et c’est la représentation que j’ai de ce pays. Je me fiche bien de savoir s’il y a des singes ou pas en vrai, d’ailleurs. Et c’est parti mon kiki ! Voici le début d’un roman. On se souvient tous de la ferme africaine, (dans la formulation ici je garde le « on », le « nous nous souvenons » étant d’une tournure trop lourde à mon goût) de la fameuse Karen Blixen, dont fut issu l’encore plus fameux film, out of Africa, joué par deux grands du cinéma américain, Robert Redford et Meryl Streep, et bien notre autrice, dans ma logique oiseuse, je peux l’imaginer prenant pour point de départ les boites de « singe » que les GI américains mangeaient pendant la guerre (souvenez-vous du corned-beef) pour écrire son roman, sachant très bien que le lecteur en aucun cas ne sera dupe de mes inventions, puisqu’elles sont totalement dénuées de toute rationalité. Ce qui ne me dérange pas, car après tout, en écriture, tout est permis, même la déformation du réel. Et là-dessus, je ne me gène pas. Et voilà, de fil en aiguille, du Kenya nous sommes propulsés aux états-unis en l’espace d’une boite. Comme quoi, la conserve, ça mène à tout à condition d’en sortir.
2 – Quand et pourquoi avez-vous commencé à écrire ?
Le premier juin 1961, alors que je ne venais pas de souffler ma toute non-première bougie, ou pour reformuler plus précisément, une non-bougie parmi l’église de mon existence, le dieu vivant du vocabulaire m’est apparu en rêve. Il m’a envoyé un virus, contaminant, multipliant les formules, les jeux, les rebondissements, les extensions d’idées, l’amour de l’apprentissage, le goût de lier, euh, pardon, de lire, et j’ai été pandémiée à lier à partir de cet instant, il était exactement la même heure à la seconde près au même endroit. Je me souviens avoir prémédité une première dent à cette époque là.
Sinon en vrai, j’ai commencé à aimer écrire le jour où j’ai eu mon premier succès littéraire. C’est-à dire, en classe. J’avais écris un petit texte sur un virtuose du piano qui donnait un concert, et la prof, appréciant fortement ce texte, l’avait valorisé auprès du groupe. Narcissiquement, ce souvenir m’est resté en mémoire, et ce n’est pas pour rien.
3 – Avez-vous tenu un journal, des carnets où vous notiez des citations, des pensées, etc. ?
Oui, je recopiais la composition des aliments sur les étiquettes.
Je peux réciter par cœur la composition de l’huile de foie de morue : Huile de foie de morue.
Huile qui a su offrir à mon cerveau de nourrisson un développement normal et harmonieux témoin de son état général conservé.
Ce qui à ce jour me permet de noter la pensée ici pensée.
C’est oui aussi, dommage, j’avais un super cahier de 200 pages, avec des trucs que j’aimais particulièrement, et que je n’ai plus en ma possession. Il ne me manque pas vraiment, mais si je l’avais encore, il aurait une grande valeur affective à mes yeux.
4 – Qu’avez-vous écrit en premier ?
Mon premier poème est issu d’une boite de sucre en morceaux, dont voici le contenu :
Oh sucre brut,
De canne tu te déclares.
Ton bon goût est un art,
Un peu comme la flûte,
Taillée dans ton roseau.
168 morceaux,
De 6 grammes environ,
Qui fondront dans le fond,
De la tasse de café,
Donneront ton sucré,
Par saveur ajoutée.
Évidemment, je ne me suis pas arrêtée là, puisque d’autres premiers écrits ont suivis et suivront encore.
Et sinon, je ne me souviens pas exactement du premier premier. J’ai juste quelques vagues souvenirs des premiers textes courts que je m’amusais à inventer en seconde, première et terminale, qui étaient si tarabiscotés qu’invariablement je ne les finissais jamais.
5 – Avez-vous persévéré ?
J’ai envie de dire que oui, mais je ne suis pas sûre d’être crédible.
6 – Pourquoi avoir rendus vos textes publics ?
Primo, parce que.
Ensuite, j’y réfléchis.
Probablement pour être lue, ou pour voir si ce que j’écris est apprécié.
Sûrement pour être en interaction avec le lecteur.
7 – Comment imaginez-vous le lecteur ?
Je l’imagine beau, subjugué par la beauté de mes textes, ensorcelé, fasciné, sous le charme.
Ça fait toujours du bien.
Je l’imagine cultivé comme un champ de betteraves à sucre, sans pour autant comparer le lecteur à une betterave à sucre, non mééééh ! Etait-il nécessaire de le préciser ? Auquel cas, vérifiez auprès de votre sélecteur de blog si celui qui s’octroie toutes les libertés est approprié à votre équilibre psychique. Ou alors, lisez le fameux livre d’Harold Searles, « l’effort pour rendre l’autre fou », et faites vous plaisir, devenez-le. Ensuite, pour continuer, je l’imagine intelligent comme le SIS, un peu secret donc, mais distinguable en braille et même en dé-braillé.
Exactement comme vous qui me lisez.
Enfin, en imaginaire, je ne demande pas confirmation ou bien si ?
8 – Que voulez-vous offrir au lecteur ?
Une meilleure connaissance de la lecture des étiquettes lui permettant un meilleur repérage nécessaire à tout consommateur soucieux de savoir ce qui occupe son assiette.
Pour citer l’étiquette de l’eau minérale naturelle que j’ai sous les yeux, 80 mg/litre de calcium, dans l’assiette, choisissons la à soupe, et fractionnons le litre en plusieurs portions, de façon à être plus adaptés.
9 – Êtes-vous sensible à la critique ?
Absolument ! J’ai toujours une ampoule de cortisone à proximité au cas où je ferais un œdème de couic réactionnel. Même avec beaucoup d’humour et de recul, il m’est nécessaire de faire trois amples respirations pour reprendre mes esprits quand une remarque justifiée ou pas me demande méditation profonde pour y voir clair.
Par exemple, l’autre jour, lorsque j’ai écrit. « Ma main gauche s’est mise à trembler, faisant tomber mon stylo, laissant ce dernier profondément immobile au sol », et qu’un lecteur m’a demandé si j’étais sûre que c’était la main gauche, il m’a fallu aller ouvrir la fenêtre et prendre au moins trois goulées d’air frais avant de commencer à pouvoir y réfléchir correctement, de façon objective et rationnelle. Deux nuits pour déterminer qu’au final, étant droitière, ce ne pouvait pas être la gauche. Une semaine pour me souvenir qu’à cet instant là, je mangeais un sandwich de la main droite, que tenant le stylo de la main gauche, je ne voyais pas le sens de la position puisque je n’ai aucune capacité d’ambidextrat. Enfin, lorsque j’ai réalisé que la main gauche était celle du cœur, j’ai compris pourquoi ce côté, simplement parce-que j’envisageais alors d’écrire un poème d’amour.
Voilà dans quels affres d’interrogations mon raisonnement peut s’immerger et ce, pour peu que je me mette à réfléchir, réflexion induite par les remarques critiques venant remettre en question mes affirmations ou positionnements quelconques.
10 – Quand vous écrivez, avez-vous un rituel d’écriture ?
Entre deux mots, je me lève, je compte trois pas en arrière, deux en avant, trois en arrière, quatre en avant, et je me rassois. Ça m’aide à la concentration.
Parfois, je rajoute une boite de quelque chose comme des biscuits au chocolat, ou un verre de coca, et je refais la même chose mais à cloche pied, la boite de chocolat ou le verre d’eau à la main. Le challenge, c’est de ne rien renverser. Si une seule goutte tombe à terre, je suis tenue de tout recommencer mais en double, puis en triple, et ainsi de suite, jusqu’à réussite complète de l’exercice. C’est mon côté perfectionniste qui est en jeu alors.
Des fois, quand j’écris des âneries plus grosses que moi, je me trouve pitoyable. Alors je prend mon courage à deux mains, et j’édite. Et là, il y a toujours quelqu’un pour trouver ça complètement déjanté et en rire, et bien croyez-le bien, cela me fait rire de mes mêmes âneries et me donne envie de continuer à me sentir bête dans mes écrits mais d’opter pour le parti d’en rire.
Naaaan donc, en vrai, je n’ai aucun rituel d’écriture, si ce n’est celui de mettre en marche l’ordinateur, et parfois, de surfer des heures durant sur des idées en cherchant sur le net pour en faire un article à peu près satisfaisant et à mon goût. Un peu comme les sucres de la boite.
Respect de l’étiquette improbable, coq-à-l’âne ouroboroulés, et ce rigoureux rituel de n’en pas avoir ; je sors toujours un peu coi d’une page de Jobougon, ébaubi et émerveillé pour la journée au moins.
Ainsi c’est, et tu as raison de le souligner, une étiquette compulsive, adhésive, gencive, précise, cerise et sise, et quoique tu sois un tant soit peu coi, un fond sonore de cocoricos légèrement brayant s’entend en arrière plan, ne me permettant pas d’affirmer qui du coq ou de l’âne imite le mieux l’autre. Je finirai donc ce rebondissement en bouclant approximativement la boucle ébaubissante, joyeuse et bondissante en respectant l’étiquette. C’est ainsi.
J’en déduis que tu ne puises pas tes sources d’inspiration sur un marché de petits producteurs. Imagine ! Quelle étiquette pourrais-tu coller sur le délicat pédoncule d’une fraise des bois, garantie absolument bio, nourrie au lait d’ail des ours fraîchement pressé ?
En tout cas bravi/bravo pour cet exercice parfaitement réussi !
Bises
Ni que je puise mes sources sur la tranche des livres de ma bibliothèque, meuble désuet depuis que les eBook sont censé les remplacer, mais que je considère comme indispensables dans mon appartement, ayant besoin de toucher et ouvrir physiquement un livre pour mieux me l’approprier.
Alors les ours pressés, tu penses, je n’en suis pas encore là ! C’est encore trop moderne pour moi. 😀
Bises Martine, et merci d’avoir proposé ce questionnaire. J’adore me saisir d’une suggestion pour peu qu’une idée jaillisse. Ce fut le cas pour la tienne.
Premièrement, il faut du temps pour lire les blogs zamis et les savourer à leur juste sauce. Deuxièmement, alors que je venais de fêter moi-même en 61 ma non-première dent, itou, je témoigne en mon moi-même que je n’avais aucunement l’idée de l’étiquette de l’huile de foie de morue, me contentant de vomir après absorption dudit truc. Je m’incline donc devant la précocité de l’œil vert susnommé. Troisièmement, trouver la boite de conserve, c’est trouver le saint-graal, comme Duchamp, Marcel, trouva la pissotière et bouleversa l’art contemporain. Du petit nait le grand, c’est connu ! Du quotidien nait l’universel. De la boite sort le génie, ça se voit. Est-ce qu’elle s’achète, celle-là, j’aimerais bien. Un questionnaire bouleversifiant pour lecteur boule verte sifflée qui vous tourneboule à la volée et vous laisse sur le cul ! (Le Monde Littéraire d’ici).
Anne, me voici toute confuse à l’idée que votre coccyx en souffrit. Dois-je tournebouler en serpentant pour ne point faillir, ou mettre les volées doubles à partir de dorénavant ? Je ne saurais trop vous confier que l’huile de l’époque était déjà ointe sur un double trafic, et d’étiquettes, et d’empire, puisque Sainte Ampoule parlant, elle servit au sacre des rois. Mais je m’égare, et tel le merle et la cloche, le clan des urinoirs n’a pas dit son dernier mot.
Remercie le monde littéraire de là d’avoir venu lire ici.
Le Monde littéraire d’ici a bien reçu votre message de remerciement et vous remercie en son soi-même. Bien à vous…
Merci pour ces aveux littéraires qui lèvent un peu le mystère de la genèse de tes textes!
J’avoue qu’ici, c’est un peu comme à confesse, Charles Borromée promeut son usage pour la première fois au xvie siècle lors de la Contre-Réforme, aucun rapport avec le nœud borroméen lacanien bien évidemment. Pour ne citer que lui, : « Les nœuds c’est quelque chose d’assez original, avec peut-être — j’en suis sûr — l’ambiguïté de l’originel. (…). Les trois ronds me sont donc venus comme bague au doigt, et j’ai tout de suite su que le nœud m’incitait à énoncer du symbolique, de l’imaginaire et du réel, quelque chose qui les homogénéisait. »
Citation que tout le monde comprendra clairement comme de l’eau courante.
Merci d’avoir évoqué le mot mystère.
Bien belle journée de dimanche, LeO.
Vous m’avez bien fait rire avec votre texte mais aussi des réponses faites a vos commentaires . C’est un régal littéraire au quel je rends un vibrant hommage ; En effet , on se plonge dans votre texte et les réponses aux commentaires avec délice et on oubli toute la noirceur et la tristesse de ce monde : ON S’ÉVADE ! Il y a aussi une part de réalité quand vous dites que les enfants apprennent a lire sur les emballages ou les boites de conserves . J’avais des enfants qui suivaient avec leurs doigts chaque lettre en essayant de les reconnaitre et de former le mot et le déchiffrer. Un grand bravo a vous et continuez de nous amuser et nous faire rêver !
J’ai même eu un chat qui apprenait à me lire notre amour en trônant sur de hautes piles de livres érigées sur la table, des grands schizophrènes qui m’apprenaient à écrire en commençant par « vive la France », pour ensuite m’écrire toute une liste de plantes, en commençant par « arbre généalogique ». J’ai même vu l’apprentissage de la lecture et de l’écriture en braille et ricochets sur les ondes complices ou contraires.
Et tout ceci me fait encore rêver.
Merci d’apprécier et de partager l’évasion.
A reblogué ceci sur Espace perso de georgeset a ajouté:
surleaugeorges
Vous m’avez bien fait rire avec votre texte mais aussi des réponses faites a vos commentaires . C’est un régal littéraire au quel je rends un vibrant hommage ; En effet , on se plonge dans votre texte et les réponses aux commentaires avec délice et on oubli toute la noirceur et la tristesse de ce monde : ON S’ÉVADE ! Il y a aussi une part de réalité quand vous dites que les enfants apprennent a lire sur les emballages ou les boites de conserves . J’avais des enfants qui suivaient avec leurs doigts chaque lettre en essayant de les reconnaitre et de former le mot et le déchiffrer. Un grand bravo a vous et continuez de nous amuser et nous faire rêver !
Ah, je découvre votre blog et j’adore. Merci l’écreviste. C’est fort plaisant de vous lire !
Ah mais donc ! Tout le plaisir est pour moi, nan méééh, quand je lis ces quelques lignes !!! 😉
Merci merci. 😀