Chez Anna coquelicot, l’agenda fourmille d’idées en avril avec la nouvelle consigne du mois, les épis sont en fleur et les imaginaires vont bon train de chemin de fer.
C’est ici :
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https://annacoquelicotimages.wordpress.com/2019/04/02/agenda-ironique-davril/
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Insolites bâtisseurs :
tant pis si la forêt se fane en épis de pereskia
tant pis si l’avancée est celle des fourmis tambocha
tant pis si le drapeau ne se hisse qu’à des hampes
desséchées
tant pis
tant pis si l’eau s’épaissit en latex vénéneux préserve la parole rends fragile l’apparence capte aux décors le secret des racines la résistance ressuscite
autour de quelques fantômes plus vrais que leur allure
insolites bâtisseurs
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Aimé Césaire
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Maintenant, je vous propose un Agenda Ironique qui traitera des épis de pereskia et des fourmis tambocha. Connaissez-vous cette faune et cette flore? Sinon cherchez, imaginez, inventez, détournez… Ceci en prose ou en vers.
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« L’épi, derme de la fourmi, est au centre de l’épi tête ce que l’épi cure né est au cœur du gramme ».
Le gramophone Pharisien, Damien Guillon, 2009
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Il était une fois une lointaine forêt située au cœur d’une planète dont nous ne connaissons pas encore le nom, où vivait une colonie de fourmis tambocha.
Curieuses créatures qui n’avaient rien en commun avec celles que nous connaissons en tant que terriens, les fourmis tambocha n’avaient, pour seule utilité, que celle d’être.
Croyez-bien que cela occupait tout leur temps, sachant, de plus, que le temps sur leur planète était incomparable au nôtre, dans la mesure où chaque seconde contenait l’éternité toute entière, et que leur temps passait d’éternité en éternité sans jamais passer par la seconde primaire, (ou première), à peine plus archaïque que la seconde. (seconde seconde)
Non, l’auteur n’est pas bègue !
Ces fourmis, donc, filaient du temps, longues silhouettes élancées en cheveux de gorgones, se balançant au gré des courants temporels secondaires.
De temps en temps, l’une d’elles se détachait, flottante, pour aller déposer un grain un peu plus loin, histoire d’être plus.
La colonie vivait donc paisiblement ainsi depuis une éternité d’unités de mesure d’éternités jusqu’au jour où la planète, appelons-la Ursule pour les besoins du texte, rêva du darwinisme.
Il n’en fallut pas plus pour qu’une mutation intervienne.
Le grain déposé plus loin, cette fois, mit au monde d’Ursule le premier épi de pereskia.
Ce fut un choc !
Les fourmis tambocha, d’être, furent !
Soudain, un être autre les agrandit en introduisant la notion de différence.
L’épi, primaire de sa nature, premier de son espèce, se crut fourmi tambocha.
La planète Ursule, constatant la véracité du rêve, frémit séismiquement d’un frisson de joie qui parcourut l’assemblée des fourmis tambocha, ce qui eut pour effet de scinder l’épi primaire en deux.
Le premier, voyant le deuxième, réalisa qu’il n’était pas conçu sur le modèle des fourmis.
Ce fut un autre choc !
Chacun maintenant se regardait singulièrement, cherchant la dissemblance et son contraire, avec l’interrogation du sens.
L’autre allait-il rompre le lien des secondes d’éternité ?
Bref, l’autre allait-il semer le grain de la zizanie ?
Ce qui fut évoqué arriva. Le premier grain de zizanie naquit. Plus pacifique que lui, il n’y avait pas. Puisqu’il était né de l’entre-deux d’entre la fourmi tambocha et l’épi de pereskia.
D’un grain à l’autre, la planète Ursule s’en trouva comblée.
Alors qu’au cœur d’une nuit profonde elle rêva à nouveau, ce fut d’une règle de trois cette fois.
Disposant à un point A une fourmi, reliée d’une droite à B, un épi de pereskia, elle décala en un point C la zizanie et, se plaçant légèrement au dessus, créa sa première forme géométrique. Le tétraèdre régulier.
Chacun des éléments de la pyramide se vit, la vit, et depuis, ils n’eurent de cesse de construire solidement suivant le modèle de base.
Ces drôles d’édifices multipliés dans la forêt du cœur d’Ursule alors qu’il en était la tête en rendit fou plus d’un. Il n’empêche qu’il en rendit heureux plus d’un. Allez y comprendre quelque chose, vous, aux mathématiques de l’espèce !!
Mais il arrive que parfois la forêt se demande quel est le sens de ces multiplications.
Ursule, en bon administrateur de lui-même en tant que planète, reçut l’interrogation de la forêt en excellente due forme, et décida de faire appel à l’original créateur de ces étranges créatures, l’auteur lui-même.
Aimé Césaire, l’auteur créateur, vit en Créolie Foyalaise, une planète en forme d’île recouverte de poèmes.
Lorsqu’il reçut la question, Aimé, qui venait de prendre une retraite de créateur bien méritée, reprit sa plume pour répondre à Ursule que :
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Très cher peuple d’Ursule,
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La multiplication n’est pas posée au bon endroit.
C’est la question qui l’est.
Vous êtes nés de l’imagination d’un mirage du fond des âges qui traînait ses guêtres dans l’air d’une île et que les vers d’une poésie attrapèrent pour en formuler l’existence.
Un mirage réalisé n’en est plus un.
A la recherche de lui-même qui n’est plus, il se réplique, se réinvente, et parfois ne se ressemble plus, au point que la raison de son existence première finit par disparaître.
Si vous pensez qu’Ursule inventât l’eau chaude en décalant, vous pensez juste.
La fonction des fourmis tambocha n’était ni posée ni connue et c’était là sa singularité.
Sur votre planète, elle est devenue. Sur une autre, elle ne le serait pas.
Si vous imaginez être plus parce-que la mutation s’est produite, vous produisez de la mutation imaginaire et enrobez de mirage le noyau d’une forêt, l’enveloppant comme d’une coquille. Maintenant, vous savez pour l’œuf.
Recevez toute mon amitié de l’au-delà d’où je gîte dorénavant.
Aimé Césaire
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Moralité : Lorsque les fourmis t’embauchas, le chas de l’aiguille de l’épi tu passas.
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J »adore la loi de l’évolution sur Ursule et la réflexion poétique et philosophique qui va avec!
Merci pour ton enthousiasme, mais n’est-elle pas un peu bizarre, cette planète ? Les tambocha, les pereskia, les grains, …, le Zizanic.
Sacrée étrange compagnie !
Tout ceci m’a laissé une sensation de « Drôles de décalages ».
Je te remercie du fond du cœur pour cette immense générosité de ta part devant cette Pérestroïka agendesque.
😀
[…] Jobougom : https://jobougon.wordpress.com/2019/04/06/toute-lecture-dune-situation-depend-de-langle-ou-le-lecteu… […]
En lisant ton texte, j’ai eu l’agréable impression de revoir quelques épisodes des Shadoks 😀
C’est vrai ! Je n’avais pas fait le lien mais maintenant que tu me le dis, je retrouve une similitude, avec légèrement cette pesanteur qui m’a paru lourde à transporter à travers les mots.
Merci de m’avoir fait revisiter ces fabuleuses bestioles dont je suis fan au plus haut point de l’échelle pitrerie.
Ha on dirait bien que cet agenda te va comme un embauchoir à un escarpin.
Il te maintient et te permet de mener tes pas encore plus loin. Ou c’est l’inverse.
Un agenda qui serait chaussure à mon pied, pourquoi pas !
Je ne sais pas où mes pas me mènent, mais ce qui est sûr, c’est que lorsqu’à distance je relirai tout ça, j’y trouverai encore d’autres angles de lecture.
Merci chachashire.
🙂
Bon jour,
Alors, j’ai vu, j’ai lu et je suis resté sur le … monticule … au loin pour … admirer cet effet planétaire et puis de plus en plus près, cette mutation en chaîne qui d’atomes en molécules avait l’isotope en culotte courte c’est-à-dire la fourmi qui n’avait pas attendu l’hiver pour se provisionner d’un conte qui nommait entre lignes forestière et le grain en devenir du premier corps constitué qui n’avait jamais eu l’audace de naître par effet que l’auteure avait germé un tantinet dans « chaque seconde contenait l’éternité toute entière », et s’attardait sur la formation en carré des fameuses légionnaires : « les fourmis tambocha » qui mathématiquement n’avaient pas une chance d’éternité à ma montre à quartz à thermomètre fluvial de se voir paraître (paradoxe de l’heureux temps, miroir réfractaire du mauvais temps) dans un tel contexte narratif mais sachant la venue « des épis de pereskia » qu’à ce moment là, précisément l’enclenchement s’annonçait comme inéluctable défiant l’apesanteur du quotidien pour s’ouvrir enfin (mais quand même au début) à une genèse qui marquait ainsi une autre aire sans le T de terre …
Mais il est vrai et je retiens : « Toute lecture d’une situation dépend de l’angle où le lecteur se place » 🙂
Max-Louis
Bonjour Max-Louis,
Dans un texte cousu de fil blanc qui multiplie le cheveu de la géométrie en quatre, la boussole n’est jamais bien loin. Mais je dois reconnaître que cette fois, la perplexité de la poésie ressort victorieuse, n’étant pas très définie devant un univers aussi inconnu. Exercice de lâcher-prise ? Voire même en faire son église ? Tout ceci décante tranquillement dans le bocal de l’univers, la clarté stellaire réfractera sa lumière le moment venu.
Ce qui est confortable au demeurant, c’est de savoir que par delà l’effort et l’imprécision se développe une voie singulièrement novatrice toute déconcertante soit-elle.
Ne sachant comment vous remercier de votre soutien inconditionnel dans mon errance d’écriture, je vous remercie pour les angles par lesquels vous relevez quelques éclats d’éclaircissements relatifs et/ou absolus.
L’ère ignore mais défriche et sème, et lorsque les épis seront mûrs, la moisson produira le pain quotidien du temps à venir.
Bien à vous, avec la croustillance d’une cuisson à point, et les petits bonheurs du chocolatier.
jobougon, joueuse amatrice de jeux de joies à temps partiel,
Merci Jo de ce p’tit déj de mots que vous m’offrez présentement et mon beau sourire du matin entre la douche rieuse et le levain du soleil qui s’approche à grands rayons me voilà à commencer une belle journée … Belle journée à vous Jo … 🙂
Eh Jo, l’actualité étant que sera l’éternité quand on passera tous par le chas (ou par la chasse, ou chassés, euh non aspirés, oh bref, je ne sais plus) d’un trou noir ? Bravo, et vivent les fourmis et naissent les épis
Sera-ce l’accouchement de notre ancien univers dans une nouvelle dimension en passant par un trou noir ?
Ah ben mince alors, la Jungle de Lam a pris racine ici ! Si j’avais su ! Le monde d’Ursule est petit !
Le volume du « bocal de l’univers » acceptera-t-il de perdre de vue le « grain de Zizanie » qui pourrait naître de cette communion entre nos esprits ?
😉
Un grain nommé de la sorte car n’ayant, pour seule zizanie, que l’action de s’être décalé d’une droite AB dans l’idée de construire une figure tétraèdrement constituée.
Réponse : Oui !
J’ai rêvé…
https://www.cairn.info/revue-poesie-2009-1-page-55.htm
Merci Jo…
J’ai parcouru l’article rapidement ; j’y reviendrai plus longuement.
🙂
Ainsi parlait ZaraBougonthoustra.
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Je dois admettre que la formule est très nietzschéenne, chère Dame Straussélestinoza ! Me voici plus que qu’ensoleillée de tels propos aimables.
❤ ❤ ❤
Une planète un peu « folle », mais finalement pas beaucoup plus que la nôtre et des zêtres très zétranges…qui obtiennent leur mutation alors qu’ils ne l’ont pas demandée…
Z’aime beaucoup…ta folie douce..
(douce et piquante à la fois !)
épi aussi tes zeux de mots !
je trouve enfin (j’avais égaré ma montre) le temps de venir commenter : hé bien, quelle farfeluterie digne et élégante !
merci Joboug’ de ne jamais hésiter à viser au milieu du désordre sans négliger jamais les moindres brinborions 🙂
Ohh mais quelle imagination! Bravo pour ce texte frais et tout juste « sorti de l’ordinaire ».