Il arrive que les échanges entre internautes fassent naître des jeux complices.
Lors de commentaires au sujet de la lettre de démission que voici, (à lire ici chez Max-Louis), j’ai eu envie de rebondir sur l’idée d’écrire une lettre à la boite en question.
Voilà qui est fait et qui pourrait bien entrer au parangon des jeux épistolaires les plus loufoques qui soient, j’aime me lancer des fleurs, merci moi-même. Si vous avez envie de vous y essayer, envoyez votre lettre dans la boite, elle vous en sera reconnaissante.
Pour ne pas m’arrêter en si bon chemin, j’ai pensé que cette lettre pourrait bien passer par le relais de l’agenda de juin qui se joue les prolongations jusqu’à ce soir minuit, nous sommes encore ce soir, et encore dimanche 24 juin 2018, c’est tout bon.
Pour tout lire des participations à l’agenda ironique de juin allons voir ici ce que notre animateur paresseux a collecté dans le panier du mois.
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Madame la boite aux lettres jaune aux normes de la poste,
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Monsieur Max-Louis, alias Iotop aurait récemment adressé une lettre de démission à cet inconnu de lui-même, que parait-il, vous auriez refusée. Vous auriez prétexté fallacieusement qu’elle était timbrée. La subtilité de la démarche est totalement incompréhensible ! Il me semble que ce refus de votre part dénote affreusement avec la mission dont vous êtes à charge.
Il m’arrive d’imaginer combien il vous en passe, par la tête, de ces lettres adressées, à tant de personnes, sous-couvert d’enveloppes de couleurs et de formats différents.
Mais que vous-est-il donc passé par la tête pour refuser celle-ci ?
Cette lettre, auparavant incluse dans l’alphabet, s’en est trouvée toute décollée.
N’allez pas prétendre que le groupement de lettres restantes vous impressionne par son effet troupeau, toutes aussi fermées l’une que l’autre, pire qu’un pingouin mutique.
Le soleil, qui darde ses rayons sur votre métal, vous aurait fait tourner l’adresse.
Savez-vous, chère Madame la boite aux lettres jaune aux normes de la poste, que si vous étiez en brousse, votre couleur aurait peut-être viré au vert devant l’illogisme de votre refus de coopérer à l’acheminement de cette fameuse lettre timbrée, et que qui sait, la face du monde en aurait été changée. Réfléchissez ! Une lettre de démission qui n’arrive jamais, c’est une intention perdue à jamais pour l’histoire de l’homme. Acheminée, elle aurait été facteur d’une nouvelle orientation de vie. J’ai connu un chercheur qui, un jour d’épuisement, a réussi à perdre ses chaussures, croyant poster une lettre de démission et y glissant malencontreusement ses mocassins. Evidemment, il n’avait plus vraiment toute sa tête ce jour là, mais vous acceptâtes de recevoir son envoi alors même qu’aucune de ses chaussures n’étaient timbrées.
Décidément tout ceci me paraît si incompréhensible que j’ai comme l’impression qu’il me pousse une tentacule d’interrogation sur la tempe droite. Cessez donc de me regarder comme si j’étais devenue chèvre ! Si tel était le cas, je serais pourvue d’une deuxième proéminence identique du côté gauche.
Puis-je vous avouer une chose, la boite ? Tous ces écrits qui vous traversent doivent être si passionnants parfois. L’idée que vous soyez porteuse de tant de missives précieuses m’épate un peu. Non pas que le vecteur par lequel votre point de transit passe soit pivot de la fonction de déplacement, mais bien que c’est de communication dont il s’agit.
Mais que pourrait-on dire de cette dernière ?
La communication passe par des échanges. Les lettres parlent de tout. De la noblesse épistolaire pour les plus traditionnelles aux plus simples rappels de paiement pour les plus financières. Ces échanges d’informations avaient, il me semble, davantage de charme à l’époque des relais postaux. Vous étiez à votre balbutiement, encore dans les limbes de l’invention, que déjà les transports attelés à la tâche acheminaient les transports amoureux des amants séparés. Que de missives amoureusement tournées et parfumées passèrent d’un relais à l’autre sans faillir. La teneur de leurs transports a parfois enchanté des recueils entiers, enluminés d’illustrations précieuses. Que diriez-vous, Madame la boite aux lettre jaune aux normes de la poste, de nous confier certains écrits encore existants et dont la beauté dépasse la fiction par la véracité de son sentiment ?
Et puisque l’authenticité se rapproche de l’intimité, je vous propose de nous en dire un peu plus sur le charme des lettres en nous offrant le meilleur de sa romance sans pour autant sombrer dans son travers ridicule et emphatique.
J’avais envie d’y lire une tendresse inégalée en vos dépôts, que la levée de poste ne saurait effacer.
Vous allez me dire, c’est un peu indiscret comme démarche, ce que je ne saurais nier. C’est que voyez-vous, je suis atteinte d’une déformation assez commune qui s’appelle la curiosité, et que cette déformation m’amène souvent à être dans la recherche de rencontre authentique et personnelle avec autrui. Les amoureux sont les plus propices à se dire de manière intime, et en même temps se dire dans l’intimité demande une confiance éperdument aveugle.
Je pense aussi que l’aveuglement est transitoire, et que passée une bonne dose de confidences, la confiance est apte à s’installer tranquillement devant la maturité et la capacité de recul de chacun.
Il m’arrive même parfois de me dire que rien n’a jamais plus de valeur que celle que chacun d’entre eux lui accorde.
Donc, timbrée ou pas, retirée du pli de l’alphabet ou pas, je vous prie de recevoir dorénavant chaque lettre adressée en bonne et due forme à son ou sa destinataire sans en omettre aucune.
L’omerta de la lettre de démission doit cesser.
Vingt-six-juin le pied de la lettre en pièce jointe.
En vous priant de recevoir toutes mes déclinaisons les plus poétiques.
La lettre de recommandation qui n’accuse personne.
Lettre R. simple
Bon jour,
Que dire ? SUPERBE…
J’ai lu à haute voix (comme très souvent). Il y a une portée dont les reliefs pincent avec délice et les circonvolutions des paragraphes me fait penser à un réquisitoire de bonne tenu qui enveloppe de plusieurs couleurs tous les effets et le timbre du style fait cymbales aux oreilles de Boite aux Lettres ….
Bref, je vais revenir pour relire car à ce qui est bon on revient toujours … 🙂
Max-Louis
Merci Max-Louis,
J’adore le timbre de votre commentaire.
Moi-même, rose aux joues, reviendrai répondre à la lettre prêt à votre charmant éloge.
En vous souhaitant une excellente nuit.
Avec tous mes remerciements émus pour avoir été à l’origine de cette inspiration postale.
ha ha splendide! J’accuse…réception, ça ne fait pas un pli; qu’elle soit lue aux assises et pendue par les debouts, afin qu’en toutes lettres soit admise et prononcée la correspondance entre l’écriture et la vérité. Point.
Joli !
Votre commentaire constitue un très beau prolongement en post-scriptum de la lettre R à la boite aux normes.
Vous m’en voyez Plaisamment Satisfaite.
La question : faut-il appeler un chef de cuisine, un plombier, un ferronnier ou un maçon ? Parce qu’elle est, dans l’ordre, complètement toquée, siphonnée, marteau, fêlée… cette boîte aux lettres complètement branquignole…
J’ai envie de dire qu’un facteur suffira, qui relèvera le courrier pour l’acheminer directement chez le maçon, le plombier, le chef de cuisine et le ferronnier. Branquignolesquement réceptive, la boite se tient les côtes d’or et se tord de rire devant tant de qualités intrinsèques reçues en une seule question.
La boite en joie de recueillir autant de missives te remercie de la tienne.
😉
Et moi aussi pour elle, car elle apprécie, vraiment, l’art d’être revissée sans secret. Madame ça s’écrevisse turbulemment.
🙂 😀
[…] de Laurence Delis, les Entiers de fragments d’l’écritur’bulente, et enfin les Dessous d’une lettre de Joboubon […]
L’être et le devenir d’une lettre… La formule de salutation et la signature sont particulièrement exquises !
Tout aussi exquises que tes deux petites phrases si joliment formulées, qui touchent d’une onde de grâce sa destinataire, grâce à ta lecture affûtée.
Merci Estelle. 🙂
Timbrée la lettre? Oui, mais pas seulement elle 😆😆😆!
Exquise folie, ceci dit…
Le timbre est vert comme une colombe, et la grenouille peut bien essayer de devenir plus grosse, plus verte, plus plumée, elle devra en baver pour réussir à coller à la lettre.
C’est dire… 😉
Bises Clémentine