“ Devenir soi-même fait surgir un être nouveau. Certains être humains sont nés à eux-mêmes d’une manière foudroyante et ont parfois éprouvé le besoin de changer de vie, éventuellement de changer de nom, tant ils avaient l’impression de ne plus avoir grand-chose en commun avec celui qu’ils avaient été. Cette aventure est vieille comme le monde. De nombreux sages ne parlent que de cette nécessité de passer du moi au soi, pour employer des mots faciles à comprendre. Je crois que c’est un besoin impérieux pour chacun que de délivrer son soi. Le moi, c’est l’individuel, le particulier, l’égocentrisme. Quand le moi a été dépassé, il naît un être nouveau : autre regard, autre manière d’être, autres idées, autres rapports avec les autres, avec le monde… Une vie autre commence.”
http://processusmonomaniak.tumblr.com/page/7
J’établis mon programme.
Règle numéro 1 : Je veux pouvoir écrire tout ce qui me passe par la tête.
Règle numéro 2 : Je souhaite, demande et exige que ce que j’écris ne soit pas considéré comme toujours vrai. Que de fumeuses théories ne soient pas montées à partir de mes textes, les rendant complètement ineptes et hors de propos.
Règle numéro 3 : Respectez la liberté d’autrui. Par exemple, quand je dis que j’ai raison, dites oui, ou encore, quand je dis que c’est comme ça, si c’est autrement, prouvez-le.
Règle numéro 4 : Respectez l’auteur, il vous en sera reconnaissant. L’auteur est une autrice comme une autre. Respectez aussi sa mauvaise fois.
Règle numéro 5 : Commencez à essayer d’écrire, si vous avez envie de critiquer négativement, après, on en reparlera.
Règle numéro 6 : Je suis parano ? Et alors, ça gène quelqu’un ?
Constat numéro 7 : J’ai déjà bien du mal à vivre avec moi-même, ma propre critique, mon propre jugement, alors, comment voulez-vous que je supporte ceux des autres ?
Conclusion numéro rien du tout : Voilà, c’est dit !
Introduction numéro tout du rien : Bonne lecture à tous.
L’usine d’inspiration
Dans les pays de Cocagne, comme dans les autres, il existe des artistes à cours de créativité. Certains le vivent comme un soulagement, d’autres comme une fatalité, une catégorie d’entre eux se recycle dans l’enseignement, dans le coaching, ou même en tant que consultants d’entreprise en bâtiment, mais ceux là, ce sont seulement les peintres. Et puis ceux qui le souhaitent vont à l’usine d’inspiration, ouverte en 1936, année de l’ouverture des droits à congés payés.
« Fixés à quinze jours à l’origine, les congés payés minimum obligatoires à l’inspiration se sont allongés au xxe siècle par l’action législative : de deux semaines en 1936, ils passent à 3 en 1956, puis à 4 en 1969 et enfin à 5 semaines en 1982. Nous envisageons un renversement simple dès l’ouverture de la salle des conciles. »
Un travail de recherche sur la relation entre les deux ouvertures serait susceptible d’être en cours.
Les scientifiques sont formels, l’alternance entre les temps de production et les temps de congés payés est primordiale. Un dernier appareil permettra dans l’avenir de réunir les deux temps, non pas pour n’en faire qu’un, mais bien plutôt pour permettre le passage de l’un à l’autre en fonction non pas de la législation en vigueur, mais bien de l’état du créateur au moment de son engagement.
La conversion est déclinée en plusieurs sous-temps, sous-tendus par l’idée que la graduation des espaces chronologiques est importante. Il s’agit non pas de passer du noir au blanc, par exemple, mais bien d’accéder délicatement de l’un à l’autre en utilisant tous les tons, les ombres comme les lumières, afin de détenir le panel le plus large possible du spectre concerné. Ainsi, passer du rouge au vert semble encore impossible aux artistes peintres, alors que déjà les ouvriers de l’usine en ont une pratique régulière, reliant le ton le plus aigu du chromographique rubis à la nuance la plus ingénue du vert printemps, nous envisageons de rebaptiser l’usine d’un « à l’impossible n’y pensez plus », résumant en un mot le seuil d’intolérance du bruit que font les fourneaux, produisant du probable à toute heure comme s’il s’agissait de l’apprentissage d’un alphabet au demeurant si simple que tous l’auraient déjà oublié, à peine intégré.
Voilà, je suppose que tout ceci est bien plus clair maintenant que vous avez lu cet article. La réduction du temps de créativité n’ayant pas encore été évoquée par les employés de cette même usine, nous n’avons pas encore prévu de décret ni ni ni ni ni note de service à ce sujet. Il serait bon toutefois que le patronnât envisage la création d’un groupe de réflexion avant même que la question ne se pose. Ainsi, cela permettrait de baliser toute forme de soulèvement temporel quel qu’il soit. Sachant combien remettre le temps en place est une affaire compliquée.
Je vous remercie de votre attention.
Le président de Bâlépapattes, en Géorgie
– Non !!!! Tu vas pas faire ça ?
– Tu parles ! Haut les mains, peau d’lapin !
– Pffff que t’es bête !
– Et alors ! Ça gène quelqu’un ici ?
– Que tu sois bête ?
– Oui.
– Non.
– C’est oui, ou c’est non ?
– C’est oui, tu en doutes encore ?
– Pffff que t’es bête !
– Et alors ! Ça … etc etc
On appelle ça un disque rayé.
Un peu comme quand la chanson s’arrête en boucle sur les paroles du microsillon, écoutez plutôt lesquelles :
Je vous aime.
Mais comme la platine n’aime pas user ce mot, au risque de lui ôter tout sa saveur, elle l’économise et ne le sert qu’aux grandes occasions.
Si vous souhaitez faire une réclamation à ce sujet, prière d’écrire au concile des déclarations d’amour dont nous vous communiquons l’adresse ici même.
Père Noël
Septante treize, rue du réveillon
Fin de la tournée en rennes
60000 Sapins
בלב שלם, תודה אדוני היושב–ראש.
L’usine d’expiration.
Inspire, expire, c’est dans l’ordre de la respiration, dans l’ordre de l’existence, dans l’ordre de la destinée humaine.
– Bon, c’est pas l’tout, mais nous, on a du taf !
– C’est bien l’moment d’y penser, tiens ! T’as vu l’heure ?
– Oh, arrête avec ce bidon d’temps. On a l’temps qu’on prend, un point !
– Cétou ?
– Cétou !
Ces deux là, vous les avez sans doute reconnus, ce sont la Louisette Dezan et l’Herman Castain. Deux chercheurs de génie qui ont tellement frisé la catastrophe avec leurs découvertes que dorénavant, lorsqu’ils cherchent, ils se gardent bien de trouver quoique ce soit pour ne plus avoir à constater les conséquences désastreuses, comme celle d’un monde qui se ramollirait, ou encore, une remontée des bretelles pour tous.
Cette fois, planqués derrière une haie de troènes, ils observent l’usine d’expiration du pays de Cocagne. Il y a eu une explosion cette nuit, à exactement 3 heures du matin, et les enquêteurs, dépêchés sur place, grattent, retournent, fouillent les décombres, afin de chercher les rescapés. On dirait des poules dans une cour de ferme en train de gratter la terre et d’y chercher le ver de terre plus gros que celui du voisin. C’est que l’usine, elle, tourne 24 heures sur 24, vous pouvez donc en déduire et en toute logique qu’à cette heure tardive de la nuit, ou matinale du jour, c’est comme vous voulez, les ouvriers en place, même en nombre réduits, sont bien à leurs postes de travail. Il s’agit pour cela d’observer attentivement les écrans du poste de commande, d’identifier sur l’ensemble de la surface de la terre qui est en passe de relâcher son âme à l’éther, et de l’aider en attendant l’heure propice, en s’introduisant auprès du futur défunt pour faire surgir en son esprit mourant la grande lumière divine l’accompagnant vers le sommeil du juste, pas trop éternel, car que vous le croyiez ou pas, les morts travaillent, oui messieurs dames, ils travaillent, et même beaucoup ! C’est un scoop, n’est-ce pas ? Et bien, certains d’entre vous accueilleront sans doute la bonne nouvelle, car ceux là ne sont pas des feignants, les autres baisseront légèrement le son de leur ordinateur, de ce texte, et encore, zapperont pour changer de chaînes.
Bien, à partir de là, les observations de nos deux chercheurs font état de quoi.
– Déjà, tout est calciné ! Les pompiers sont sur place, ils soulèvent les restes du bâtiments noircis, mais pas un seul morceau de corps pour l’instant n’a été retrouvé.
Ah ! J’en vois un qui picore !
Non, finalement, rien.
On peut supposer que la violence de la déflagration n’a laissé aucune chance à une quelconque forme de vie, ici radio K Gibis, les cintrés parlent aux cintrés.
– Arrête Herman, ils vont nous virer à l’ORTF* si tu continues !
– Pffff ! Si on peut même plus rigoler ! Déjà que je viens d’apprendre que même morts, il faudra encore travailler, je comprends pourquoi l’Al cas Idé a décidé de faire sauter tout ça ! C’est une usine à y crever, oui.
– Qui c’est encore que cette Idé Al l’Herman ?
– Ah ! Je n’t’ai pas raconté ?
– Raconté quoi mon bon homme ?
– Et bien une journée de printemps, alors que je bossais sur un compte-rendu de réunion terriblement ennuyeux, et que je cherchais un terme approché pour faire un raccourci entre le pont de chemin de fer de l’occident retard et le terminus de Bruxelles selle, j’ai entendu un grand bruit dans ma fenêtre. Je me suis retourné, et là, surprise, une forme s’était dessinée en volume sur le carreau. La femme de ménage était passée la veille, et les vitres avaient été faites flambantes invisibles. Non seulement la vitre n’était pas cassée, alors qu’il faisait encore trop froid pour ouvrir les fenêtres, mais le plus étonnant, c’est que sur cette vitre, alors, j’ai pu y voir le visage d’un chat !
– Probablement un oiseau qui n’a pas vu les vitres ?
– Probablement ! Il n’empêche que ce portrait est resté des mois et des mois, c’est dire si ma femme de ménage vient souvent faire les vitres.
– Je comprends mieux.
– Bon, on fait quoi, maintenant qu’on sait qu’il n’y a eu aucune victime ?
– J’sais pas ! On n’avait pas une autre recherche en cours ?
– Si !
– Alors allons-y !
– C’est parti mon…
– Ouf ! J’ai bien cru que tu allais dire la suite. Sinon, c’est comme la marine, on était cuits.
– Tu veux parler des Hollandais ?
– Oui, ceux qui ont définitivement fait expirer les derniers dodo de la planètes.
– L’explosion ?…
– Chut.
– Il faut bien un Dodo émissaire.
ORTF* Ordinaire remake terriblement fade
Les Gibis : http://www.gabuzo38.fr/shad_persons.html
“Il y a en moi une préoccupation fondamentale. D’ailleurs, elle ne m’est pas propre. Au fond de tout individu, cette préoccupation est plus ou moins présente. On a à devenir soi-même, car être soi ne va pas de soi. Être soi ne nous est pas donné. Tout ce que j’écris peut se ramener à cette nécessité. J’ai à devenir moi-même. Pour devenir moi-même, j’ai dû détruire celui que les circonstances avaient fait de moi, puis aller à la rencontre de cet inconnu que j’étais et qu’il me fallait faire entrer en existence. Tout mon travail, depuis quarante ans que j’écris, a été déterminé par ce besoin-là : devenir moi-même. Devenir soi-même peut parfois être une longue aventure, fort douloureuse. Cela entraîne de telles remises en cause, de tels bouleversements… En effet, cet œil intérieur à l’aide duquel on cherche à se percevoir, il fait partie intégrante de ce qu’il a à observer. Par là même, toutes ses perceptions dénaturent ce qu’il appréhende. Pour que ses perceptions ne soient plus viciées, le regard doit s’inverser, puis épurer l’œil dont il émane, afin de l’affranchir de ce qui conditionne sa vision. Autrement dit nous avons à connaître ce à l’aide de quoi nous cherchons à nous connaître. Tant que l’on n’a pas effectué ce travail, toutes nos perceptions de nous-même sont déformées. Donc comment se connaître, comment devenir soi, compte tenu de cette difficulté inhérente à la recherche ? Comment avoir une perception directe de soi ? Tant d’obstacles sont à éliminer.”
http://processusmonomaniak.tumblr.com/page/9
Pour éliminer un obstacle, il vaut lieux d’abord le faire mariner, cuire, reposer, revenir, puis, l’absorber, le remâcher et digérer ; alors seulement on peut l’éliminer sans risque et en tout bonheur.
J’ai cru comprendre que le temps de cuisson dépassait les trois heures, car la chair à Obstacle est assez ferme dit-on. En marinade, à mastiquer lentement, déjà petite je faisais des réserves que je ressortais longtemps après le repas pour mieux en retirer tous le suc.
Ton avis conforte le peu que j’en savais déjà ! Alors c’est donc ça !
C’est tellement plus facile quand on est plusieurs à penser la même chose.
Je vois qu’ici on écrit, pense, songe, qu’on élucubre avec sérieux et componction. Et, cerise sur le gateau, que le dodo perdu n’est pas oublié.
Sans égotisme aucun, ça me parait tout à fait louable.
merci Jo !
🙂
AAAhhh ! Si l’on ne soigne pas les oiseaux rares en voie de disparition, alors ! Je me demande bien à quoi servirait d’avoir inventé le monde.
Toute cette recherche effectivement m’a demandé nombre d’heures de travail acharmé, d’assoupissements insomaniaques, d’hyperconcentrations ventilatoires et natatoires. Je constate que tu sais de quoi tu parles en observant avec quelle rigueure le compte-rendu de ces recherches a pu aboutir à sa réalisation.
C’est moi qui te remercie de ta sagace finesse, carnets. 😀
Sauvons les dodos émissaires 🙂
D’ailleurs j’y file (au dodo)
💚
Ha ha ! Toi aussi, tu es pour la survie de l’espèce !
Allons lui raconter tout ça ensemble si tu veux bien !
❤
Ah oui mais… Recentrons les débats : faut-il absolument devenir soi-même?
Supposons que je veuille devenir quelqu’un d’autre ou même rien du tout parce que devenir soi-même alors qu’on l’est déjà en quelque sorte, n’est-ce pas monotone et répétitif?
Et quid de notre liberté de choix (de soi)?
Et puis au fond, être soi-même, n’est-ce pas une multitude de petits ajustements repiqués par ci, par là, choisis en fonction d’une résonance correspondant à quelque aspiration indéterminée issue d’on ne sait quel ajustement inconnu même de soi-même…
Ah, très chère Leo, ce que tu dis là n’est pas formellement anodin, n’est-il point ?
Raison pour laquelle il a fallu à mon cerveau tout ce temps pour réussir à formuler une réponse à ton commentaire, le temps que ça arrive, le temps que ça fasse le tour, et le temps que ça rejaillisse quelque part. Voilà.