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Il était une fois un gros pull-over rouge d’hiver pour divers hivers rigoureux qui s’ennuyait ferme sur un cintre en bois dans une boutique de Montreuil qui se voulait hétic.
Un jour, un hérétique entra dans la boutique en s’écriant :
– Je suis contre l’ère glaciaire, je suis contre ceux qui sont pour, et je suis transi comme un putois qui viendrait de lâcher un pet dans son terrier et qui serait obligé d’en sortir en plein hiver !
Le vendeur, assis derrière son comptoir, ravi de voir un peu d’animation dans sa penderie, souleva légèrement un sourcil au dessus de ses verres de lunette à grosse monture d’écaille et, d’un ton légèrement feutré lui souhaita la bienvenue.
– Et bien je crois monsieur que vous venez d’entrer au bon endroit, nous avons ici même et dans cette boutique d’hétic une collection complète de vêtements chauds et rugueux comme le climat pour vous réchauffer. Prendrez-vous une tasse de thé avec moi ?
Et il lui désigna une grosse théière fumante posée sur le comptoir.
L’hérétique surpris par le ton anodin du boutiquier stoppa net son échevelisme frondeur pour bafouiller une réponse à peu près construite.
– Vous ne craigniez donc pas les odeurs de mouffette ?
– Même pas peur !
Ils prirent donc le thé, sans moufter mot pendant un long moment. Lorsque le silence s’éternisait trop, l’un d’eux parfois lançait un grattage de gorge discret, tout en se mesurant dans la résistance aux propos inutiles, laissant monter dans l’espace une jubilation quasiment orgastique. C’est alors que la clochette de la porte d’entrée tinta, les tirant de leur rêverie hélicoïtale.
Le patron déplia son grand corps comme on déplace une affiche et, laissant à son choix de vêtement le premier client vint accueillir le second.
C’est à cet instant précis que le pull-over rouge décida d’attirer l’attention de celui qu’il considérait déjà comme son maître. Théodose Auguste Ostara était sujet à des phobies telles que celle des lapins pas forcément blancs ou rouges, ou celle des mots trop longs. (Plus connues sous les termes suivants et respectifs de cuniculophobie ou d’hippopomonstrosesquippedaliophobie). Il se fit donc remarquer en se contorsionnant suffisamment discrètement pour tomber du cintre sans pour autant faire remarquer qu’il avait bougé. Vous allez me dire, quel rapport avec les couleurs du lapin, aucune répondrait Théodose, si ce n’est celle du rose aux joues qui commençait à lui colorer les téguments, consécutif à la chaleur du thé.
L’affaire fut conclue rapidement, le pull revêtu, le voyage pouvait commencer.
L’agitation de la ville fût un choc. Issu de pelotes cent pour cent laine, sorti des bêlements et des quelques rares visiteurs de la boutique, le fameux pull rouge n’avait pas vu grand chose du monde.
Aussi, lorsqu’ils rejoignirent le loft aménagé dans un container aux normes iso calculée sur la base du carré dont deux côtés auraient subi des extensions de chaque côté, il écarquilla grand ses manches, plurielles, et encolure, singulière, afin de ne rien laisser dépasser de sa surprise. Il du se frotter à une écharpe de soie verte une fois extrait de l’enveloppement du corps de son propriétaire.
– Dites donc, spèce de paysan, vous n’pourriez pas faire attention. Je froisse facilement, moi, pas comme vous !
– Vous ne vous êtes donc pas encore assez ennuyée alors, répondit vertement le pull-over rouge !
Une fois les ajustements d’usage terminés, il s’avéra que leur couleur, complémentaires, se mariaient divinement bien. La soie se radoucit et le pull étendit un peu ses emmanchures pour la défroisser.
– Je vais briser la glace en premier, très chère, mais vous êtes chinoise ?
– D’en vers. Et vous ?
– Du pré.
– Il était vert ?
– Plutôt terreux.
– Vous n’êtes pas comme les vestes, vous !
– Ah bon !
– Non, vous au moins, vous me répondez.
– Les vestes sont muettes ?
– Oh non, mais elles sont tellement préoccupées par la température du foyer qu’elles n’entendent que leurs propres besoins. Par exemple, elle se sont extasiées durant trois semaines sur le poêle à bois, oh les belles flammes par ci, oh les belles bûches par là, qu’elles en oubliaient d’être des vestes. Elles ont tordu quatre capots de manteaux d’hiver inuit avant de se souvenir qu’elles étaient là pour lui tenir chaud, dit-elle en montrant du foulard Ostara.
– C’est un personnage, non ?
– Hérétique mais tellement bon.
– Tu l’as goûté ?
L’écharpe, gênée, rosit légèrement.
– Pfff !
– ça va, si tu préfères qu’on parle de rien, fais ta bêcheuse !
– En parlant de jardinage, cent pour cent mouton, c’est pas un peu grattoir comme matière ?
– Evidemment, je n’ai pas une douceur bébé cadum, moi, mais je n’entortille personne.
Vexée, l’étole de soie se retourna vivement.
– Puisque c’est ainsi, je ne vous adresse plus la parole, j’adore être entortillée, moi, et vos manches…
L’écharpe était rouge de confusion et le pull était vert, il se demandait bien comment il allait rattraper la méprise.
La situation venait confirmer ce qu’il pensait depuis longtemps. La communication est une source infinie de quiproquos. Tout l’art consistait à percevoir au-delà, et il se demanda alors si ce rouge n’était pas un peu de sa couleur que l’écharpe aurait saisi, et ce vert qu’il avait pris, n’était-ce pas un peu de la soie qu’il avait reconnu en lui, et inversement.
Des goûts et des couleurs point ne faut discuter comme chacun sait… Tu en fournis une belle illustration faite de teintes complémentaires.
C’est pourtant un goût prononcé pour la complémentarité qui me fait discuter 😉 de voyages extraordinaires, voyages que ne tympaniserait pas ce cher Jonathan Swift. Mais je me disais qu’à retricoter, je lui ferait une grosse tête de renne sur le devant.
Un peu comme ce modèle par exemple.
Tu me fait penser à une amie qui a tricoté un pull rouge pour sa vache ! Authentique. On trouve de ces cas chez nous ! Mais ici, c’est pas mal non plus comme idée…Prendre un thé alors qu’on est en plein Brexit ! Une Chinoise d’en vers, un pull rouge qui devient vert, un hérétique contre l’ère glacière, moi, je suis pour ! Me suis bien amusée, comme d’hab. d’autant que n’étant pas du tout intéressée par les footeux du ballon, on m’a dit à la radio qu’ils avaient gagné 4-0, les Belges ! On peut sortir l’écharpe et le pull, pour une fois que le peuple est content !
Ben dis donc, c’est une vache de salon ! Avec des sabots aiguilles, un soutien-pis dentelle et une jolie jupe en tweed. Clâââssieuse, quoi, la vache ! Ouah ! Une amie comme ça, fô lui consacrer un reportage et le diffuser aux heures de grand audimat. C’est le genre de truc qui pourrait bien rendre également le peuple content. Félicitations aux Belges de Belgique et du monde entier pour cette superbe victoire. Remarque, j’y pense ! Félicitations aussi aux joueurs. J’ai une collègue qui m’a un peu expliqué comment fonctionnent les scores. Je suppose que les quatre points sont bienvenus dans le classement. Oui, bon ! Un pull à cette saison ! Peut-on imaginer un pull 100% laine heureux l’été ? Ce sera la question philosophique du prochain baccalauréat.
Des bises Mme De Louvain. Et amitié admirative à ton amie tricoteuse.
Voici la vache de Françoise ! La vache, hein ?
Ils pourraient former un couple ovin bovin tout à fait improbable. Ce serait déjà le début d’une révolution, la grande vague des tricots rouges, quel plaisir à voir cette vache ! Mille mercis Anne, quelle grâce dans ce port altier. 😀
Où étais je le 26 juin pour avoir raté ce magnifique texte tricoté de main de maître ?
J’en verdis 💚
Je n’avais pas osé te poser la question mais puisque tu en parles… Où étais tu le 26 juin à 14h14 sous pas le soleil exactement ?
Bises rougissantes Val ❤
En prenant mon agenda je vois que j’avais kermesse de l’école le 24 au soir et coucous au poney club le 26 (aucun point commun entre les deux , le Sidi Brahim etait excellent au poney Club) 💚