La « Anne », elle avait pas son pareil pour tournicoter du coton perlé d’agenda ironique.
Juin, qu’elle avait dit, c’est une affaire dans l’sac.
Alors dans son fourre-tout, elle y a collé deux images, sages comme des gros lézards du Nil qui dormiraient au soleil, (pas besoin de lunettes noires), et quelques phrases suspectes comme, insérer OBLIGATOIREMENT « C’était à … faubourg de… dans les jardins de ou d’…. » dans l’titre, (zut, le titre, je l’avais loupée cette consigne là), et puis les mots « cannibale, fourbir, niquedouille, praliné, rentable, sautiller, tellurique ».
Pfffftt !!! Pourquoi faire simple quand on peut faire simple ?
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Pis qu’en plusse, on n’a même plus l’droit d’râler !!!
Qu’est-ce que t’as dit ?
Non, non, rien ! J’ai rien dit.
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Il y avait réunion de famille, l’heure du gong avait sonné, grand-père Gomaize fêtait ses 150 ans de décès, et Mortencia, drapée dans son digne deuil, allait enfin pouvoir exécuter les dernières volontés de son défunt époux. A ne pas confondre avec ses dernières voluptés, bien entendu, qu’elle exécutait encore fidèlement jusqu’au dernier souffle de Gomaize, mais laissons sous silence leur intimité.
Il lui avait remis, sur son lit funéraire, le contrat de confiance dans lequel elle s’engageait, sait-on jamais, légalement, à ne pas confondre avec létalement, et pour une durée contractuelle du nombre d’année précisé ci-dessus, plus haut, à ne pas prendre aperçu ne serait-ce que de près ou de loin de son testament avant cette date.
Gomaize aimait, à l’époque de son existant, tirer vers le haut du panier, aussi disait-il toujours : « Patience est mère de charité, mais ne moquez pas l’hôtel-Dieu, il touche le fiel ».
Il avait un petit cheveu sur la langue, papy.
Mortensia n’avait plus la grâce d’antan, ni le mordant d’ailleurs. Mais elle avait gardé la blancheur laiteuse de ses vingt ans grâce à l’onguent du docteur sangsuet, cosmétique intégral, indice 6, ayant la caractéristique de maintenir le taux d’hémoglobine sanguin à l’indice correspondant. Affaiblie mais résistante à tout, suivant sa philosophie « atout prendre », Mortencia prétendait mordicus que la lividité consécutive à l’application de cet onguent lui permettait de rester visible à feu Gomaize, qui sinon ne pourrait la reconnaître de l’au-delà. Au delà de quoi, le taux risquerait de flamber, laissant exsangue et sans sang les vaisseaux laissés à sec de ce fait incendiaire. Et rajoutait souvent à qui voulait bien l’entendre, les flammes éclairent mais la nuit porte conseil. Optant pour le style bénitier, lancé par le célèbre couturier Maryvonnet saint Lacroix, elle avait revêtu une veste écossaise portée par lady Conne Doyle dans les années 20 lorsqu’elle a joué le fameux personnage d’Irène Adler dans « Un scandale en Bohême », achetée au vide grenier de Louvain sainte Uccle Wilsèle pour la modique somme astronomique de dix neptunes.
Elle découvrirait, tout comme le reste de la famille, mais pas avant 90h52mn de la nuit, le contenu du testament que celui-ci avait rédigé en vue de cet instant poignant.
Toute la vérité, rien que la vérité, sur l’origine de la fabuleuse richesse qui allait alimenter les comptes bancaires et ne tarderait pas à dévider sa fortune sur les différents entrepreneurs qui se pressaient aux portes du manoir pour en restaurer les coins et recoins dégradés par le temps.
C’était à Golgothique, faubourg de Baldhoween, dans les jardins d’Addams et Dave.
Grand-mère Mortensia, mortifiée par le froid, s’était emmitouflée jusqu’aux oreilles. Son foulard Kermesse lui donnait l’air comprimé des veuves de bonne loi, son doux sourire revêtu pour l’occasion, elle évitait tout de même d’ouvrir la bouche, n’ayant pas honoré son dernier rendez-vous chez le dentiste, qui devait lui fourbir un dentier flambant blanc, assorti au teint, nous comprendrons un peu plus tard la raison de ce loupé.
Il y avait son frère, oncle Pestilent, de son prénom d’alliance avec Bondéanause, le père de la cousine Germaine. Il a endossé la combinaison rose réservée aux panthères, prétendant que la souplesse est un gage de gri-gri. La dernière fois qu’il a assisté à la lecture d’un testament, dit-il, il a hérité personnellement d’une dette de jeu à hauteur de trois atouts, dont un passage par la case départ. Ce qui lui a permis tout de même d’empocher un mois de salaire, mais a suffit à le rendre méfiant à l’égard des héritages. Pestilent est venu accompagné de ses trois enfants et demi. Ne pouvant en encadrer que deux et demi sur trois, il a décidé de lâcher-prise avec le benjamin, dont le jaune est assorti à son jumeau, à peine plus égal en âge que lui-même. Ils ont la réputation de n’être pas des comics, préférant largement la carrière saurienne à celle ornithienne, plus empennée.
Mon frère, Louis XII, a tenu à se placer à la gauche de Mortensia. « Comme ça, je ne suis pas loin des biscuits à thé », a-t-il avoué ce matin en lorgnant sur son téléphone portable pour voir si l’heure du dé-jeûner allait bientôt arriver. Notre demi-sœur Rellente s’est glissée discrètement du même côté pour ne pas être loin de la table, tout en restant approximativement la niquedouille préférée d’haute-maman. Vu que personne ne l’a jamais vue entièrement, elle reste comme une effluve dans les jardins d’Addams et Dave. Parlons-en de ces deux là, ils sont allongés par terre, toujours prêts à partir en voyage tellurique, sac à portée de main. Ne les confondez pas avec le paysage Pelousain, ce sont des hommes, trans-sexualisés, mariés de surcroît, depuis les années lumières, et bien décidés à affirmer leur position, c’est-à-dire au repos, mais attentifs. Ils ont connu l’époque des attentats aux tifs, celle où les coiffeurs coupaient toutes les franges de travers, et ont décidé de mener le combat de la frange droite, quoiqu’il leur en coûterait. Etant donné les nombreux frais auxquels ils sont exposés, du fait de leur engagement, ils espèrent bien retirer de leur présence un pécule modulatoire, leur permettant d’essorer la majeure partie de leurs dettes de jeux. Car couper de la frange droite, croyez-le bien, est une entreprise hasardeuse, les paris sont relevés à hauteur de sourcils la plupart du temps.
Moi, j’ai choisi d’épauler haute-maman plutôt côté bras droit. Je ne sais pas, une intuition, sans doute. Non pas que je défende le patronat, ou une quelconque accointance avec mon banquier. Simplement, Jules m’a dit, si tu ne restes pas à côté de moi, je ne viens pas avec toi dans ta famille. Moi, Jules, je ne peux pas m’en passer, alors comme il s’est assis sur le fauteuil du mort… Mais Gomaize, de là où il est, n’ira plus jouer les cannibales. D’habitude, il envoyait griller en enfer tous ceux qui osaient s’asseoir sur son fauteuil, histoire de les déguster à point un peu plus tard. Là, il ne bouffe plus grand chose, pauvre grand-père, il doit avoir les dents qui grincent d’écume, à ne rien plus pouvoir faire, de là-haut de l’au-delà. Pépère, c’était pas du praliné. Plutôt du piment de Cayenne. Quand il ouvrait la bouche, c’était pas pour faire des bonbons, qu’on disait de lui.
Grand-maman Mortensia présentait son meilleur profil au photographe venu spécialement de la ville pour immortaliser l’instant.
Ce qui tombait plutôt bien, c’est que le notaire et ce dernier ne faisaient qu’un, vu que la mode était au cumul des emplois, les temps sont durs il faut dire, un peu comme les dents de grand-père.
Une fois le paysage familial fixé sur la pellicule, l’intérêt d’avoir des représentants de la cause capillaire pu parfaitement s’entendre. On entendit aussi la lecture du document, légèrement fossilisé sur les coins vu son âge.
Mortensia versa une larme, en entendant la voix de son époux retransmise en direct par le notairographe, la larme toucha le sol, le sol s’ouvrit sur la piscine, une grosse larme de crocodile qui prit soudain forme, baudruchienne, ce n’était pas le moment de faire l’autruche. Dans l’affolement de l’instant, j’ai vu Rellente sautiller sur le bord de la piscine, prête à perdre l’équilibre..
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Les reptiles grouillaient, se multipliant comme des petits pains gonflés d’hélium, comme des fourmis à la gueule allongée, des termites dentues, crantées, rouage funeste de gri-gri mal réglé. Je l’avais dit à Mortensia, n’invite pas l’oncle Pestilent, tu connais sa capacité à être psychédélique. Cette vieille carne n’avait rien voulu entendre. Raison pour laquelle aucun saurien n’en viendrait à bout, la carne est une substance dure, inattaquable, angulaire et saillante, aussi dure que la semelle de ses pompes.
J’ai donc compris pourquoi elle avait raté son rendez-vous chez le dentiste. Vu que les caïmans, crocodiles, alligators et autres dragons du Komodo, ne sont pas commodes, traverser la propriété pour se rendre à son rendez-vous présentait trop de dangers dangereux pour sa vie, elle préféra rester cloîtrée dans le manoir en attendant qu’un prédateur à reptiles vint faire un peu de ménage dans le jardin d’Addams et Dave.
Nous ne pûmes donc qu’assister à la lecture des premières lignes du fameux testament. Le peu dont je me souvienne fut ceci :
« Meurtricia, mon amour, ma chérie, ma tendre, ma seule, mon unique, si j’ai mis 150 ans à te dévoiler la vérité, c’est que les affaires n’étaient pas rentables du tout. Notre culture d’avocats si florissante au début de notre mariage a souffert depuis quelques années du solanum tuberosum. Nous avons du emprunter deux millions d’heures supplémentaires pour la construction d’une usine de déshydratation pour les transformer en fécule, notre pécule a fondu comme larmes au soleil, les spéculateurs ont bouffé le reste, et je ne laisse que ma collection d’ailes de mouches a ton frère qui me l’a soutiré contre un talisman en forme de trèfle à cheval. Sauras-tu m’en tenir griefs aussi longtemps que la mort ?
N’oublie jamais que je t’ai aimée, Meurtricia, que je t’aime, et que je t’aimerai encore, foi de moitié légitime. »
C’est là que je me suis dit, tout d’même, il n’est même pas foutu de citer le prénom de grand-maman correctement. Et que je me suis redit encore en plus, il faudra que je lui demande pourquoi, à la vieille. Franchement, ça manque largement de respect pour elle.
MA-GNI-FI-QUE ! Bar-Jo comme j’aime, allumée grand feu, complètement déjantée. Du grand agenda ironique et deux d’un coup qu’elle nous a mis, la grande folle, avec les deux collages et la famille Adams, une série que je revois et revois et re-revois sans jamais me lasser. Alors, vous pensez, quand on la ressuscite, j’avale tout cru la potion magique. Les aventures de Gomaize et Mortensia-Meurtricia et les cousins, grand-mère, et Pestilent, Bondéanose et toute la clique, je prends et reprends…
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Ils sont attachants ces grands originaux un peu cinglés au charisme vif et brûlant. Je suis d’accord avec toi pour dire qu’en prendre et en reprendre est une véritable partie de ravissements et félicités en tous genre. Car même si j’en ressors DE-SHY-DRAP-TEE, à plat, écrasée de bonheur, j’ai presqu’envie de les adopter chez moi. Je pose un demi cadre, j’en retire deux, je multiplie et par pille, (c’est l’accent), et par pains, équivalent du nombre cité ci-dessus. Je devrais arriver à un nombre de pièces suffisant pour les accueillir.
Merci de ne pas régurgiter toute la potion magique sur le tapis en sortant. Elle est très à bulles, probablement jacuzzi du côté de Germaine.
Saluez Sibelius sous la bure et le manteau de ma part, très chère Anne, et transmettez lui toute ma gratitude pour l’oxygène de la formule « l’air pagne de la campure » qui a su inspirer une génération entière de blogueurs Odiliens.
Et bien sûr, bécots sur chaque joue pour toi-vous-même.
Ci-après, notifié par notairographe (prodigieuse invention que celle-là) que Mme Jo dit la Bougone revendique dé-nomination et re-nomination à sa suite en Mme Jo dit la dithyrambe, n’ahanant pas face à de l’Anne la note salée, happant le chaud plat sans peur et avec plaisir, nous narrant comme on noue natte, une ficelle à l’endroit, une tresse à l’envers un conte à décéder debout en 3 exemplaire déposé en greffe, greffe qui prend clairement !
Nanonnon ! Le triptyque qu’est totalement thauthentique n’est pas dithyrambiqué du tout à la ficelle, mais bien à la bougie, la vente aux enchères du domaine auront lieux aux auspices de « Soubise », changez une seule lettre Patte et je vous tresse du conte d’apothicaire en trois dimensions, cela ne vous surprendra qu’à demi-tiers, n’est-ce pas ?
N’allez pas encore écranter totalement les dénominateurs, je vais être obligée de penser.
Merci de ta fringante compréhension.
[…] à la Jo, rien ne l’arrête : elle a carrément pris les deux illustrations pour nous envoyer […]
[…] rejoindre les allumés de la souris : je vous attends jusqu’au 24 juin et comme dirait notre Jobougon que je cite ici : […]
Vous ne nous dites pas combien d’amantes ce brave hommes a entretenu et engrossées de sont vivant , même très pris de sa chère et tendre épouse peut être pas si tendre que cela ! Encore une bonne rigolade et un bon moment de détente passé a vous lire .
Comment endossée de son vivant ! Madame Mortensia ici décritée du verbe décrire n’est en rien encaissable au comptoir bancaire de la Banque des Naissances Protégées !
Hein, quoi, comment ? Une minute, je mets mes appareils auditifs.
Ahhhh ! Pardon !!!! Les autres c’est l’enfer de JPS.
Les demis frères et sœurs vous saluent bien bas Georges !
Merci pour cette franche rigolade.
A reblogué ceci sur Espace perso de georgeset a ajouté:
surleaugeorges
Vous ne nous dites pas combien d’amantes ce brave hommes a entretenu et engrossées de sont vivant , même très pris de sa chère et tendre épouse peut être pas si tendre que cela ! Encore une bonne rigolade et un bon moment de détente passé a vous lire .
Mortensia devenue Meurtricia car trop meurtrie? Il y a certainement une bonne raison. Faut creuser la question (dans la tombe du grand-père?…).
Talée comme une pomme trop tombée peut-être ?
Bonne idée ! Meurtricia envisage l’exhumation voire même une surrection.
Surprenant comme une image voire deux met l’imagination en ébullition ! Burlesque à souhait ! 🙂
Effet bains bouillonnants garantis ! Je cherchais de où ça pouvait bien provenir, merci, voici une explication totalement rationnelle et plausible de l’effet des collages sur la production de bulles. 😀
Je finis la lecture complètement déshydratée …mais ravie ….un grand moment et quels noms que ceux de cette famille 😉
Bisesssss
Je prévoirai les rafraîchissements la prochaine fois.
Il leur reste une poche de sang sur glace pilée, ça conserve, à force à force, ils ont pris l’habitude des principes d’hygiène pour éviter la décomposition.
Tu restes à manger avec nous ce soir ? 😉
Bises Valentyne
Mince ja vois ta réponse seulement maintenant
En même temps hier j’avais kermesse a l’école 🙂
Oooooh ! Quel dommaaaaage ! 😉
C’était une poche de collection, tu as raté quelque chose.
Elle avait un petit croustillant hémochromatique fossile sur le dessus qui lui donnait un léger goût praliné.
Une autre fois peut-être ? …
Belle soirée Valentyne 😀
Quelle danse langoureuse d »homoglébine ! Ca glisse dans les coins, ça se rétablit de jus plesse, ça colle au dentier ! Comme les souvenirs ! Un grand bravo !
C’est terriblement bien dit, même si je pensais avoir retracé de l’homosapin/endocrine qui colle au thymus comme une pinéale sur un cortex limbique.
Merci monesille, d’avoir apprécié autant cette danse de l’hémoglandine.