Ce matin là n’était pas ordinaire, elle allait être opérée. Son cœur flanchant faisait trop de ratés, alors le chirurgien, l’Ankou dans l’âme, décida de l’opération. Une arithmétique douce, enveloppée de coton. Il fallait revoir tout le paysage thoracique, à commencer par le vocabulaire, la tournure des battements, le rythme qui le scande. L’opération risquait de durer un peu, l’anesthésiste procéda à la perfusion hypnotique. Plusieurs étapes furent respectées. La première étant sa plongée immédiate dans un coma artificiel. Puis vint le moment d’inciser. Plan dermique, plan musculaire, plan osseux. Enfin, le cœur fut visible. Il palpitait. Il y avait tout un réseau de vaisseaux qui dessinaient comme un visage, celui d’une vie. Mais la vie n’a pas qu’un seul visage, elle est à traits multiples. En saisir l’essence n’est que traits fugaces, changeants. Malgré ce, débouchant en direction de l’aorte, le vaisseau de la détermination, bien dessiné, évoque l’idée de choix, de mises à l’épreuve, d’expérimentations, de vision essentielle d’une direction inaltérable. Ce vaisseau là est pourtant raccommodé par endroit, fragile et solide à la fois. Il est constitué d’une synthèse de multitude de déductions, d’introspections, d’options élues, pesées, digérées, disséquées avant que d’être intégrées. Il se laisse remanier, malaxer, désorienter mais reprend toujours son sens, sa direction, car en somme, il est vital. Intermédiaire à sa connexion électrique se trouve le point « E », où siège l’émotion. A la sollicitation, sa luminosité passe du rougeoiement diffus aux éclairs vifs, de l’extinction totale à la noirceur des mines éteintes. On voit bien que toutes les pièces sont en relation les unes avec les autres, dans une intrication complexe, mouvante et variable. Mais l’ensemble laisse deviner une cohérence, une harmonie, un équilibre. Les maillages se serrent et se desserrent au rythme des battements. Une fois dégagé de la gangue thoracique, l’organe est déposé au creux de la main gauche, où il attendra, tranquille, la main du cœur complémentaire, celle qui saura refondre les ratages, celle qui a déjà commencé à voir, celle qui saura composer une symphonie existentielle. Une symphonie à la mesure de simples mortels. Rien de bien phénoménal, et pourtant, tout d’extraordinaire. C’est comme jardiner, et pourtant comme traverser une galaxie, à la fois simple et pourtant compliqué. Comme le visage de la vie.
Demie chirurgie thoracique douce
29 septembre 2015 par jobougon
Publié dans Amour, Joie de vivre, Mouvement, pensées | 11 commentaires
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à coeur ouvert une poésie de l’incision introspective sans peur ni fard
Sur une suggestion de carnetsparesseux ici : https://jobougon.wordpress.com/2015/09/27/une-sacree-belle-fracture/
Vu!
Une opération fragile et solide à fois, ce qu’on imagine et ce que l’on croit, du répondant dans les artères et des croisements du sang et de l’eau, bigre, à cœur ouvert, en plus. On en frémit.
Que les frémissements soient à cœur ouvert et sans affolement.
Evidemment c’est toujours une vision subjective que celle de ces mots posés sur des notions si subtiles et indescriptibles.
Trés beau texte Jocelyne. Le plan du système, le chirurgien un peu Ankou (c’et bien menaçant, ce sobriquet, pour le celte que je suis…le plan du systême serait-t-il la « Carte du tendre »? j’aimerais beaucoup le savoir…
C’est qu’il n’y a ni plan ni carte, ni repères ni fixités. Tout ceci vit, et comme la vie, est en constant remaniement. L’adaptation à ce qui est, je pense. Sans nulle idée arrêtée.
Très beau texte avec -je trouve- une pointe de l’ingénieur Vian et une goutte de Jarry ; joli dosage. Et puis je suis gâté ; voilà que l’Ankou entame sa reconversion comme chirurgien du Tendre…vais-je devoir lui donner quelques jours de congés ?
Oui, je pense que l’Ankou dans l’âme du chirurgien a bien travaillé et qu’il mérite bien quelques jours de repos. J’en profite aussi pour m’en glisser quelques uns au passage sous le coton d’octobre.
C’est bouleversant de tendresse. Je ne trouve pas d’autres mots.
Remerciements émus, dame Leo.