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« On m’appelle Tamanoir » De Christine Nöstlinger.
Médium poche septembre 1988
Résumé :
Le tamanoir est un mammifère qui se nourrit de fourmis. Chacun ses goûts. Thesi préfère les gâteaux. Et son surnom de Tamanoir, c’est à son physique qu’elle le doit: son nez (qui pointe) et son menton (qui fuit) la font ressembler à l’animal en question. Thesi a malheureusement hérité la tête de son père. En outre elle plaît aux profs : c’est un crime grave. La classe se déchaîne. Thesi devient l’ennemi publique numéro 1. Et comme un ennui n’arrive jamais seul, voilà que débarque le garçon à qui elle a envoyé sa photo – ou plutôt, ce qu’elle a fait passer pour sa photo. Ah, vraiment, il tombe bien, celui-là !
Critiques, analyses et avis (Babelio) :
Thési, l’héroïne de ce livre pour jeunes ados, doit son surnom à son physique (menton fuyant et nez proéminent) qui la font ressembler à un tamanoir. Pour ajouter à son calvaire, elle est une très bonne élève et les profs l’adorent. il n’en fallait pas plus pour que ses petits camarades se déchaînent sur elle. Très bien écrit et tout en finesse, ce roman qui s’adresse plus particulièrement aux jeunes filles entre 9 et 14 ans, décrit avec justesse le quotidien d’une ado complexée et mal aimée en quête de reconnaissance et d’expériences.
Extraits de « On m’appelle Tamanoir » De Christine Nöstlinger.
Médium poche
– Camarades, dit-il, nous passons à l’offensive ! Si la carpe doit continuer à postillonner, nous devons nous défendre ! Nous avons fabriqué un modèle de bouclier pendant l’heure d’anglais !
Il se pencha vers Bigi qui lui tendit une chose bizarre, faite d’un morceau de plastique transparent et d’un crayon à papier. Le plastique était coupé en forme de bouclier, à peu près de la taille d’un visage. Le côté pointu était collé au crayon autour duquel on avait enroulé du fil afin d’avoir une meilleure prise. Charlie s’écria :
– C’est l’invention de la saison ! Le premier et unique bouclier anti-postillons ! Efficacité garantie !
Il se mit le bouclier devant le visage.
– Voilà comment au prochain cours d’allemand, les deux premiers rangs défendront leur joli teint frais contre l’arrosage systématique de la Carpe !
Un enthousiasme formidable déferla sur la classe. On admira l’étrange bouclier, on applaudit, on s’extasia de la construction simple et astucieuse de l’objet.
– Mais attention, camarades, cria Bigi, l’action doit être menée de façon massive et sans défection ! Personne ne doit se défiler ! C’est clair ?
Elle regarda fixement Thési qui rougit.
– Notre tamanoir aurait-il des scrupules ? Demanda Bigi en lançant à Thési une gomme qui l’atteignit à l’oreille gauche.
Tu participes avec Carnetsparesseux à la réintroduction du tamanoir en littérature ?
Une belle idée 🙂
Bisesss
On ne peut pas laisser toute la place aux équidés, même verts 🙂
Même si les ruades sont vertes ?
– Mais attention, camarades, cria Bigi, l’action doit être menée de façon massive et sans défection ! Personne ne doit se défiler ! C’est clair ?
Et toc !
Faut dire que c’est le vide grenier qui en est la cause. Tomber sur un bouquin pareil, et ne pas l’acheter, aurait été un sacrilège.
Des bisous à tous les deux.
Il a l’air marrant, ce bouquin!
C’est l’impression qu’il m’a donné. 180 pages, ça va être vite lu. 🙂
La suite…
– Hé ! Trompe d’éléphant ! Cria Charlie. Qu’en penses-tu ? Dis-nous si tu marches avec nous ou pas !
Thési fourra ses affaires dans son cartable, le prit sous son bras et sortit de la classe en courant. Au vestiaire, elle enfila sa veste et avant que quelqu’un ait quitté la salle de classe, elle avait déjà atteint le portail de la cour.
Thési rentra chez elle d’une humeur sinistre. Elle n’y trouva personne. Papa arrivait toujours tard le soir, et Maman ne quittait le bureau que vers 3 heures. Quant à Sophie, elle n’avait pas d’horaires fixes. Elle allait souvent au café avec ses amis après l’école.
Dans la cuisine, Thési avisa une casserole avec de la sauce rouge, dans laquelle nageait de gros poivrons farcis. « Faire réchauffer à feu doux, autrement ça accroche ! » avait écrit Maman sur un morceau de papier qu’elle avait collé avec du scotch à la queue de la casserole. Thési regarda sans envie aucune la peau épaisse et craquelée qui s’était formée sur la sauce et fit « Baaaaah ! » en tirant la langue aux poivrons. Elle sortit une bouteille de coca du réfrigérateur et la vida d’un trait. Puis elle rota trois fois, ce qui n’avança pas à grand-chose : Le problème restait entier. Elle se trouvait devant un dilemme terrible. D’un côté, elle souhaitait depuis longtemps déjà participer à une « action » avec les autres. Quand elle rêvassait sur sa descente de lit ou avant de s’endormir, c’était souvent elle qui inventait, projetait et dirigeait de telles opérations de lutte contre l’oppression dont souffraient les élèves et contre l’injustice sous toutes ses formes. Elle accomplissait dans ses rêves de véritables actes d’héroïsme.
Mais d’autre part, Melle Fisch était bien la dernière personne à qui Thési – en rêve ou en réalité – se serait attaquée ! Elle ne la connaissait pas uniquement du cours d’allemand, mais aussi de la salle d’attente du dentiste. Elle l’y rencontrait quelquefois, quand Melle Fisch venait faire « rebaser », « équilibrer » ou réparer son dentier et qu’elle-même faisait régler son appareil. Au fil de ces heures d’attente communes, Thési avait amassé une foule de détails sur la mâchoire de Melle Fisch. Celle-ci lui avait expliqué que, dans quelques années, personne ne pourrait plus rien pour elle « sur le plan dentaire », et qu’elle devrait prendre sa retraite anticipée, parce-qu’on ne peut pas imposer le spectacle d’un professeur édenté aux élèves.
Dans ces conditions, Thési trouvait tout à fait ignoble de mener une action « bouclier anti-postillons » contre Melle Fisch.
Thési alla dans sa chambre. Elle s’allongea sur sa descente de lit et essaya d’apaiser ce conflit intérieur en rêvant. Cette fois son rêve se déroula ainsi : après son opération esthétique réussie, elle retournait à l’école, rayonnante et superbe. Elle arrivait juste avant l’heure d’allemand. Les deux premiers rangs s’étaient déjà armés du bouclier en plastique. Alors, elle sautait sur le bureau du professeur et hurlait : « La ferme ! » Et dans un silence de mort, elle faisait un discours émouvant pour expliquer qu’elle savait par expérience combien il est terrible d’être bafoué à cause de son physique. Elle exposait par le menu le problème du tassement des gencives de Melle Fisch, en insistant sur le fait qu’une personne atteinte d’un tel mal a besoin de sympathie et non de railleries. Tous les élèves baissaient la tête, penauds et émus. Georg finissait par faire savoir que son oncle était un chirurgien-dentiste mondialement connu , qui avait inventé un truc super contre le tassement des gencives. Par un heureux hasard, l’oncle était justement en visite chez ses parents et ne demanderait sûrement pas mieux que de soigner Melle Fisch. Alors Reni démissionnait de son poste de délégué des élèves parce-qu’elle comprenait que c’était la place de Thési, et celle-ci acceptait le poste sous les applaudissements de ses camarades.
Au moment où Thési essayait d’imaginer le détail de ce happy-end, la porte d’entrée claqua si violemment que les deux pots de fleurs ornant le rebord de la fenêtre tremblèrent et que trois feuilles de caoutchouc se détachèrent. Cette façon si particulière de pénétrer dans l’appartement était signé Sophie. « Espèce d’andouille ! » murmura Thési qui se remit à rêver. La porte du séjour claqua à son tour et bientôt de la musique pop retentit à une puissance digne d’une discothèque.