C’est à se dépouiller des usages que le style se dégage. Libérée de toute règle scolaire, légère des principes scholastiques, la prose tisse son fil de soie à dévider des ruminations manifestes. Qu’est-ce qui fera d’elle, et ce, sans parti pris, toute la différence entre rien et l’ennui ? Elle se retire sans bruit. Pose une à une les raisons objectives.
Ce sentiment présent que le temps s’accélère, que sa fuite en avant lui laisse assez peu d’air, que les jours se succèdent à une cadence folle et qu’à bien y penser, c’est à se concentrer qu’elle use son horloge. Tout ce temps qui lui reste n’y suffira jamais. Ce qui rend indigeste la conscience du danger. A bien y réfléchir, faire des choix n’est pas simple. Impossible de tout faire, et comment échapper au déséquilibre des emportements dans ces « tout ou rien » dévastateurs, aux désirs compulsifs qui saisissent les noyaux et obturent de leurs œillères les fenêtres sur le monde ? Il faut se battre sans cesse de résister à tout. Pour garder l’équilibre, ne négliger aucun besoin, aucun secteur de vie, esclavage forcené d’une société fondée sur les échanges commerciaux réels ou symboliques. Lutter sans cesse contre la nausée des excès, l’abrutissement des noyades alourdies. Cet énorme défaut qui fait de moi un excès à lui seul, celui d’aimer toucher les limites incompressibles, comme un état des lieux de ce qui resterait à développer et étendre par ailleurs. Avec toujours ce risque d’y trouver la faille, comme ces détonateurs qui explosent les murailles et instaurent le chaos en ébranlant les murs maîtres. On n’est jamais à l’abri de soi-même. Mais si j’ai accepté le risque de m’y perdre, c’est bien que c’est pour moi aussi fort que la vie. Une idée me surprend et me voilà partie. Etendre mes ramures comme une étoile de mer, à jeter mes ancrages aux quatre coins du globe. Non, il ne s’agit pas d’une rencontre anodine. Ceux qui ont l’influence me laissent leur empreinte et c’est bien d’eux dont je reçois l’échange par de studieux cadeaux. Des centres d’intérêts partagés à loisir, tu vois le temps encore a défilé durant et me voilà surprise par son avancée tardive. Et toutes ces autres choses que je repousse à demain et qui me précipitent dans la chute vertigineuse des choix existentiels. Qu’est-ce qui importe pour moi ? Est-ce la société des hommes ou la rêverie futile ? Ou même toujours cette ferme détermination à réussir dans des projets voués à ces travaux de titans qui prendront tout mon temps ? Je n’en sais rien encore tout en le sachant déjà, et telle la cigale, je m’évente légère, à me dire que je ne choisirai peut-être pas d’être ce que je suis. Je m’apaise enfin d’idées libératoires. Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse.
Pensée d’auroch
27 mars 2011 par jobougon
Juste être… avec deux doigts d’ironie.
Le temps se reçoit comme un cadeau. Chaque choix est un couperet pour les centaines d’autres qui auraient pu. Ici, ailleurs ? C’est toujours en soi l’apaisement et la tornade. Le Rhône emporte les vieux troncs déchirés, la Camargue boit toujours aux pattes des flamands roses qui iront colorer le ciel.
Et pourtant, être c’est aussi avoir des états d’âme, des interrogations, des passages à vide, à plein, des moments de plénitude, des descentes en enfer, des envolées vers les étoiles, des silences empreints de sérénité ou de tourment, des brouhahas joyeux ou nauséeux. Etre, c’est tellement vaste qu’il ne suffirait pas d’une vie pour le dire. Mais se laisser être, sans plus rien d’autre, juste à célébrer d’être en vie. On n’y arrive pas tous les jours. Est-ce une pratique ? Un hasard ? Le couronnement d’un cheminement ? Une philosophie ? Une foi ou encore un don ? Je cherche sans véritablement y être tant mon absence à moi-même m’est insupportable. Perte du feu sacré, sinistrose, appellons ça comme on voudra. Mais puisqu’il faut que j’en passe par là, je suppose que ce qui suivra viendra largement le compenser, la vie ne m’a jamais déçue dans ses plus beaux cadeaux. En elle j’ai mis ma foi. Je mesurerai plus tard l’ampleur du travail effectué dans mes souterrains.